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d’un parti, d’une doctrine, d’une opinion, fût-ce de la sienne.-

II avait été élevé à Sorrèze. Il y puisa, comme dans les enseignements de la famille, cette foi catholique qui fut l’inspiratrice de toute sa conduite, la source de toute son action et vraiment le fond de l’homme. Le catholicisme, à la manière libérale des Lacordaire et des Montalembert, explique chacun de ses actes, comme il anime chacun de ses écrits. C’est dans une histoire de la pensée et de l’action catholiques pendant ces cinquante dernières années, qu’il faudra faire à son œuvre et à son influence une belle et large place. Il fut avant tout un grand chrétien.

Il s’était tourné d’abord vers la politique, où ses brillants débuts ont laissé dans la mémoire des contemporains un souvenir ineffaçable. Il fut le plus jeune représentant à l’Assemblée nationale. On sait l’éclat, la hauteur de vues, l’atmosphère généreuse, la profusion de talents qui font à cette première de nos modernes assemblées parlementaires une physionomie si exceptionnelle. Ce n’est pas un mince honneur pour Etienne Lamy d’y avoir conquis, en dépit de son extrême jeunesse, une grande situation. Il montra tout de suite une merveilleuse faculté d’assimilation. Son Rapport sur la marine est resté célèbre pour la lucidité et la belle ordonnance. Il avait quelques-uns des dons les plus précieux de l’orateur, et d’abord le charme d’une parole persuasive. Tout semblait lui prédire un avenir d’homme d’Etat. Or, cette carrière, commencée sous de si heureux auspices, allait être promptement brisée. Conservateur épris de nouveautés, d’ailleurs persuadé qu’un irrésistible courant emporte les sociétés vers la forme démocratique, et qu’au surplus une affinité d’origine unit christianisme et démocratie, Etienne Lamy s’était prononcé pour la République. Il fut l’un des trois cent soixante-trois. Il lui arriva ce qui arrive souvent à ceux qui ont tenté d’unir deux idées dont la conciliation leur paraissait devoir être bienfaisante. Ses amis de la veille ne lui pardonnèrent pas ce qu’ils considéraient comme une défection ; ses nouveaux amis ne le tinrent jamais tout à fait pour l’un des leurs : des deux côtés de la barricade, on tira sur lui.

Alors son activité connut une période de transition et d’adaptation, pénible comme elles le sont toutes. Pendant d’assez longues années, il ne devait pas retrouver le juste emploi de son beau talent. Il ne s’en plaignit pas ; il en souffrit peut-être : nous