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ETIENNE LAMY

Ce triste jour de décembre où nous avons dit au cher poète Edmond Rostand un dernier adieu, fut deux fois un jour néfaste. Nous nous étions d’abord étonnés de ne pas voir Etienne Lamy parmi nous ; et, sachant son assiduité à remplir ses devoirs académiques, dont le premier, hélas ! est d’assister aux obsèques des membres de la Compagnie, nous fûmes tout de suite inquiets. Seule, la maladie pouvait l’avoir empêché d’apporter ce suprême hommage à l’écrivain que, comme nous tous, il admirait et il aimait. Jusque-là, rien ne nous avait avertis qu’il dût bientôt nous quitter. Son activité était toujours la même ; et quand nous entendions dans les couloirs de l’Institut son pas rapide, ou que nous voyions venir à nous, de son air pressé, ce petit homme alerte, nous oubliions les soixante-douze ans qu’il portait si allègrement.

Dès le début de la guerre, il avait repris du service, échangeant le vert académique contre le bleu horizon. « Je sais bien, disait-il, qu’à mon âge je n’irai pas au front. Du moins, le poste que j’occuperai à l’arrière, j’empêcherai qu’un plus jeune que moi ne s’y embusque. » De tout temps, lui, le plus pacifique des hommes, il avait eu le culte de l’armée, comprenant bien, comme nous venons d’en avoir la preuve éclatante, que des jours viennent dans l’histoire d’une nation et y reviennent immanquablement, où elle ne vit que par son armée. Il se souvenait de l’Année terrible, où il avait vaillamment porté les armes. En 1870-1871, il avait commandé les mobiles du Jura ; lia belle conduite fut une des raisons qui le désignèrent au choix de ses compatriotes, lors des élections législatives. Depuis lors, il accomplissait avec régularité ses périodes d’officier de réserve : ce fut une des joies de sa vie qu’une promotion