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nom de chapeau, les capitaines percevaient, depuis un temps immémorial, une prime sur le fret. Le bénéfice de cette bonification, dont la répartition variait un peu selon les armateurs, avait été étendu au mécanicien et à plusieurs membres de l’équipage. La charte-partie élaborée par M. Bouisson n’en garde d’oublier ce principe. Elle institua des primes à la rotation ; mais celles-ci furent réglementées d’une façon inopérante ; en effet, elles constituèrent une augmentation de salaire et perdirent leur caractère de récompense acquise d’après l’accélération des traversées, et l’importance des chargements. C’est le contrat-type de gérance du 15 mars 1918 qui a créé et défini la prime à la rotation. Celle-ci est calculée à raison de 0,05 par tonne-jour ou par mètre cube-jour de navigation au profit de l’armateur gérant et de l’équipage. Etudions-la. Et d’abord l’assiette en est fort mal établie. Il eût été logique qu’elle fût fondée sur le tonnage effectivement transporté et sur le nombre de milles parcourus, — acquise, en d’autres termes, par tonne-distance et non par tonne-jour de navigation. Il y a en effet intérêt, non à prolonger, mais à réduire la durée de navigation en mer [1]. Le mode de distribution de la prime d’équipage prête également à la critique. Au lieu que ces allocations fussent attribuées à ceux qui les avaient effectivement acquises, elles ont été réparties, — dans une bonne intention d’ailleurs, — sur une base égalitaire par journée de navigation, sans égard pour la nature des services rendus par le marin. Le caboteur de Marseille perçoit autant qu’un long-courrier. Un garçon de service de cuisine acquiert la même indemnité qu’un chauffeur. Voici notre navire dans le port ; ’personne n’est réellement intéressé à ce que ses opérations de chargement ou de débarquement s’effectuent avec rapidité. Celles-ci sont confiées à des entrepreneurs dont les contrats prévoient des bonifications sur les prix de base fixés au marché pour la tonne manutentionnée lorsque l’entrepreneur dépasse le chiffre minimum qui lui a été imposé pour le chargement et le déchargement des navires ; mais dans bien des circonstances, et étant donnée la cherté de la main-d’œuvre, les titulaires des marchés ne cherchent point à activer les déchargements. A quoi bon se donner une peine

  1. Cette erreur a été depuis reconnue ; les primes commerciales ont été instituées avec effet rétroactif, perdant ainsi leur caractère d’encouragement par suite du retard apporté à leur application.