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ALEXANDRE DUMAS PÈRE [1]

I
LA CONQUÊTE ET LE RÈGNE

Au temps de la Restauration, la voiture des Messageries de l’Éclair partait tous les jours de Laon à quatre heures de l’après-midi et déposait ses voyageurs le lendemain, à cinq heures du matin, dans la cour de l’hôtel des Fermes, rue du Bouloi, no 24.

Un dimanche de mai 1823 descendait de cette diligence un jeune homme de vingt et un ans, muni d’un léger portemanteau, et d’allure très provinciale ; — il y avait encore des provinciaux à cette époque reculée. Le nouveau débarqué arrivait de Villers-Cotterets que traversait l’Éclair à neuf heures du soir ; afin de ne point faire les frais d’un fiacre, et aussi parce que, ne connaissant point Paris, il n’avait d’autre préférence que celle d’une auberge à petits prix, il alla prendre gîte à quelques pas du débarcadère, dans un hôtel de la rue des Vieux-Augustins, — (aujourd’hui rue Hérold) ; — il dormit quatre heures pour se refaire d’une nuit de cahots, déjeuna sobrement quoiqu’il eût gros appétit, et sortit sans plus tarder pour se mettre en quête. Il venait à Paris afin d’y chercher un gagne-pain et n’avait pas, en effet, de temps à perdre, car son avoir consistait on cinquante-cinq francs qu’il s’était procurés en vendant son chien ; sa vieille maman, restée à Villers-Cotterets

  1. Cette étude paraîtra en tête de l’édition des Œuvres choisies d’Alexandre Dumas père que prépare l’éditeur Louis Conard, pour la joie des amateurs de beaux livres, et qui fera un précieux pendant à la grande édition des Œuvres de Maupassant, si justement appréciée des bibliophiles.