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la 62e division qui a tenu Biermont et la 38e qui a tenu Orvillers le 30 mars contre les assauts de la 5e division de la Garde et de la 212e division, ont passé à l’offensive et avancé nos lignes. Quoi qu’en ait dit le communiqué, Orvillers n’a jamais été perdu par le 4e zouaves. Celui-ci, le 30, a dû se retirer aux lisières du village, mais, le 31, il les a dépassées et il a repris le bois de l’Epinette. Le 4e zouaves (lieutenant-colonel Besson) a dans son passé la retraite de Charleroi, Monceau-les-Provins, la Marne, l’Yser, trois fois Verdun avec la Haie Renard, Douaumont et Louvemont, la Malmaison enfin qui fut sa conquête. Comme le régiment colonial du Maroc le 30 mars, il a gagné le 31 la fourragère rouge.

Un mort ou l’esprit d’un mort ne fut pas étranger au succès de son attaque le jour de Pâques. Jamais attaque ne fut plus furieuse, ni gain de terrain plus volontaire. La veille, devant le village d’Orvillers, à quelques pas de la ligne sur laquelle il avait dû se replier, le 4e zouaves avait perdu l’adjoint de son chef, le commandant de Clermont-Tonnerre. Or, le commandant de Clermont-Tonnerre était l’âme du 4e zouaves. Aucun chef n’a exercé plus d’influence sur ses hommes parce qu’aucun, peut-être, ne les a davantage aimés. Disciple d’Albert de Mun, ancien officier de cavalerie, démissionnaire pour s’adonner aux œuvres sociales, il était venu, à la guerre, reprendre sa place dans l’armée, et de l’état-major il avait demandé à passer aux zouaves. Son autorité n’était comparable à aucune autre. Elle s’exerçait par la courtoisie des manières, la politesse du ton, et une sorte de rayonnement venu du dedans. Un mot de lui forçait l’obéissance, et la voix le prononçait du ton le plus calme. Il traitait chacun en égal, et chacun le sentait supérieur. A l’attaque de Douaumont, il conduisit sa compagnie la canne à la main, comme un père mène ses enfants en promenade. A Hurtebise, où son bataillon, à peine relevé, dut revenir attaquer, il obtint cet effort extrême par son seul ascendant et son sourire délicat dans la tempête. A la Malmaison où je l’avais accompagné, j’ai vu le charme opérer, et c’est un souvenir inoubliable. Un jour, il le faut espérer, un de ceux qui l’ont connu écrira sur lui ce qui doit survivre de lui.

Quand on sut, le Samedi Saint, au 4e zouaves, qu’il n’était pas revenu, ce fut une douleur collective qui, du jeune colonel