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est point maltraité comme le fut son prédécesseur Richelieu dans Marion Delorme, et même il y prononce un interminable monologue, calqué sur celui de Charles-Quint dans Hernani, où Paris, dans les plans de Mazarin, est très intelligemment reculé des frontières :


La France doit aller du Rhin aux Pyrénées.
Paris, qu’on peut atteindre en deux ou trois journées,
Est presque à la frontière. Il doit être au milieu.
J’y parviendrai sans bruit, sans guerre.
(Il lève la tête vers le portrait du cardinal de Richelieu.)
O Richelieu !
Nous aurons accompli chacun une œuvre immense :
Il a construit le Roi, moi je bâtis la France…


Après quoi, il se promet de décréter la paix universelle.

Or, ces mémorables paroles se prononcent dans un salon « magnifique et délabré » du château du Plessis que Victor Hugo appelle le Plessis-les-Rois et dont le nom, souvent tronqué, a été transformé en celui de Plessier sur les cartes d’état-major et dans les communiqués. Le poète, qui en prend à son aise avec la géographie, le situe à une lieue au Nord de Pierrefonds dont il est en réalité distant de 25 ou 30 kilomètres, et le relie au château de Compiègne par un souterrain. Un colonel, qui avait lu les Jumeaux et qui eut longtemps son poste de commandement au Plessis, fit vainement rechercher ce souterrain fameux par lequel, dans le drame, la Reine mère, le cardinal et le Roi lui-même s’en viennent de la résidence royale, et cette crédulité qui se traduisit en fouilles n’est pas un des moindres témoignages d’admiration dont se puisse glorifier la mémoire de Victor Hugo. Voici comment est décrit le Plessis par le comte de Bussy :


… Il est, près de Compiègne,
Un vieux château bâti pour tromper quelque duègne
Ou quelque affreux jaloux au profit d’un amant,
Tant le bon architecte y mit artistement,
Pour faire circuler les intrigues secrètes,
De corridors cachés et de portes secrètes !


Et le duc de Chaulnes de compléter le tableau :


Mon cher, je le connais ! C’est le Plessis-les-Rois.
Un manoir ruiné, fort caché dans les bois.