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le 27 septembre, Murat, pour se procurer l’argent nécessaire au nolis des gondoles destinées au transport des hommes qui devaient l’accompagner, consigna aux mains du commandant Poli vingt et un brillants recoupés, pesant environ quatre carats chacun, une étoile composée d’un gros brillant recoupé, pesant environ douze carats, et de trente brillants formant les angles, et un lot de neuf petits brillants. Le Roi attribuait à ces diamants une valeur de plus de cent mille francs, et ce fut en les prenant en nantissement que le commandant Poli put offrir au Roi un prêt de 90 000 francs. Y eut-il d’autres ressources dont on puisse faire état, et avec lesquelles celles-ci ne fassent pas double emploi ? Il ne le semble pas.

A la vérité, le général Natali dans une lettre qu’il adresse à la reine Caroline, le 28 mars 1817, pour la renseigner sur l’emploi des fonds que le Roi avait apportés en Corse, s’exprime ainsi : « La rapacité de ceux à qui ils furent confiés, l’avidité révoltante et scandaleuse qu’ils ont manifestée, les indignes ressorts qu’ils ont mis en jeu pour se les approprier, m’ont forcé de rompre le silence et d’informer Votre Majesté, » Et il porte le chiffre des traites à 290 000 francs, des diamants à 200 000 francs et des espèces à 10 400 francs. Supposant qu’il additionne les traites Poli aux traites Barillon, ce sont les mêmes chiffres, et l’on est fondé à croire que c’est avec un tel trésor que Murat entreprit de conquérir son royaume.

Franceschetti, chargé de toute la dépense, avait, avec Barbara, fait diligence pour l’organisation de la flottille. Aussitôt les fonds faits par Poli, cinq gondoles furent nolisées à Ajaccio à 6 000 francs l’une, plus une gondole de Bastia, appartenant à un M. Cecconi, qui le fut à 2 000 francs ; vingt matelots furent engagés à 500 francs l’un ; à l’imprimerie du département de la Corse, mise en réquisition, furent imprimées, moyennant 1 995 francs, d’abord une réponse au colonel Verrier que signa l’imaginaire Serra Longa, secrétaire du Roi ; puis divers documents, signés Colonna Ceccaldi et Franceschetti, concernant le séjour du Roi au Vescovato ; enfin une proclamation du Roi aux Napolitains, et un projet de constitution. Le Roi se fit faire par le tailleur Tourajon un habit de 230 francs. Sa table coûta 950 francs ; il y eut pour 4 416 francs d’habillements militaires, de fusils et de munitions pour les trois cents hommes qui devaient participer à l’expédition, et pour 18 000 francs de