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Moraccinole, qu’il rencontra au pont du Vecchio, lui présenta ses hommages, et lui offrit un beau cheval bai sur lequel il devait faire son entrée à Ajaccio. La plupart des couchées étaient chez des curés, avec lesquels l’ancien séminariste de Toulouse se plaisait à parler théologie, et dont il payait l’hospitalité en les nommant chevaliers de son ordre des Deux-Siciles. Partout il avait à sa porte une garde d’honneur prise dans les compagnies qu’il soldat. A Bocognano, où il comptait loger chez l’aîné des Bonelli, colonel de gendarmerie à son service, il ne trouva que le cadet, ci-devant commandant dans son armée, qui « fit grandement les honneurs de la maison. »

Il s’arrêta à Bocognano, et y prit poste jusqu’à ce que Franceschetti eût avisé aux questions d’argent et de bateaux, et eût négocié avec les membres de la famille de l’Empereur qui se trouvaient à Ajaccio. Ils avaient fait dire au Roi que « les approches de la maison paternelle de son épouse lui étaient interdites et que ses jours seraient menacés, s’il osait s’y présenter. » Assurément, sans aller jusqu’à un crime, les parents et les alliés de la Famille qui résidaient à Ajaccio, à commencer par le duc de Padoue, que Napoléon avait nommé gouverneur de la Corse et qui n’était pas encore relevé de son commandement, n’étaient point empressés à accueillir Murat, dont ils connaissaient la conduite à l’égard de l’Empereur, et dont l’arrivée ne pouvait que leur apporter des désagréments ou des périls. Ils ne se sentaient liés à lui par aucune affinité ; ils ne lui devaient rien ; aucun d’eux n’avait été employé à sa cour, ni dans son armée. Caroline même, partie de Corse quand elle avait onze ans, n’avait jamais, comme ses frères et certaines de ses sœurs, cherché à rétablir des liens qui lui étaient plutôt importuns. Il fallait au général Franceschetti qui, de Bocognano, vint en découverte pour préparer le logement du Roi, y noliser des bateaux, et surtout y chercher de l’argent, d’étranges illusions, s’il pensait sérieusement que la Famille allait se compromettre pour Murat.

Arrivé à Ajaccio le 21, il fut aussitôt appelé chez le duc de Padoue, chez lequel il trouva une vingtaine de personnes dont plusieurs parents des Bonaparte. Le duc lui demanda ce qu’il venait faire à Ajaccio, et, sur sa réponse, l’engagea à persuader au Roi de ne pas se présenter en ville. Franceschetti répondit « que le Roi voulait s’embarquer et abandonner la