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— Si, si, affirme l’Empereur, ils font d’ailleurs la même chose en Grèce. Il faudra les flanquer dehors. Du reste, si vous le voulez nous vous y aiderons (sic).


Sur ces mots, l’Empereur prit congé du maire de Saint-Quentin, salua les personnes qui se trouvaient aux côtés de celui-ci, adressa des félicitations à un groupe d’ambulancières allemandes, décora d’un de ses ordres le sculpteur du monument, puis reprit place dans son automobile qui s’éloigna immédiatement de Saint-Quentin.


UNE SEMAINE DE TORTURE. — LES ÉVACUATIONS FORCÉES. AVRIL 1916

L’hiver avait pris fin sans que la main de l’occupant se fût trop lourdement appesantie sur la ville, — quand parut sur nos murs une affiche d’allure bénigne, dont nous ne nous doutions pas qu’elle préludait à une terrible reprise des persécutions. Nous y lisions cet avis : « Les ouvriers en chômage des deux sexes, de la ville, peuvent être installés avec leurs familles à la campagne, dans le département du Nord, où ils trouveront l’occasion de mieux pourvoir à leur subsistance par des travaux d’agriculture et autres occupations (25 mars 1916). » N’était-ce pas touchant ? Emue de cette pénurie d’aliments, surtout ressentie par les classes pauvres, l’autorité allemande conseillait, facilitait aux plus déshérités de nos concitoyens l’installation aux champs, le vivifiant labeur agricole loin de l’air empesté des villes... Toutefois, l’expérience nous avait rendus méfiants, et, sans nous laisser duper par cet étalage d’humanitarisme, nous demandions à voir la suite. »

Cette suite ne se fit pas attendre. Moins d’une quinzaine de jours s’étaient écoulés, quand nous apprenions qu’à Roubaix, — ce pauvre Roubaix qui a toujours la primeur des innovations torturantes, — des razzias d’hommes et même de jeunes filles s’opéraient. A quelles fins ? Personne ne le soupçonnait. L’information acquit bientôt une précision terrible. C’était le 13 avril. Le sous-préfet, M. Anjubault, avait convoqué de nombreuses personnes à une réunion où serait examinée la question de savoir s’il ne convenait pas, à la veille du 1er mai, d’avancer d’une heure tous les services, publics et privés. M. Dron, maire de Tourcoing, prit alors la parole, et nous