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il ne s’était pas encore détaché, n’était déjà plus qu’une chose du passé.

Peu de temps après, les États-Unis victorieux acquéraient de L’Espagne des possessions lointaines : plus tard ils annexaient Hawaï, et portaient la main sur le canal de Panama.

Depuis 1898, leur puissance a débordé hors du continent Américain. Ils sont désormais, qu’ils le veuillent ou non, exposés à se heurter à des rivalités, soit dans le Pacifique, soit dans l’Atlantique. Dès lors, on ne peut plus les considérer comme indifférents aux révolutions du vieux monde.

A Berlin, en 1916, on n’avait sans doute pas mesuré tout ce qu’il y avait en germe dans la dernière guerre des États-Unis contre l’Espagne.

Le passé ne revit jamais, et ce n’est pas à l’heure où chaque jour les peuples semblent plus proches les uns des autres, où la science et l’industrie humaine mettent entre leurs mains de nouveaux instruments de concurrence, que les États-Unis pourraient revenir à une politique d’isolement.

L’ingéniosité des hommes d’Etat et des jurisconsultes cherchera des procédés pour maintenir la paix du monde, mais ces procédés, quels qu’ils soient, reposeront toujours sur un certain équilibre politique et économique entre les nations : désormais, dans cette balance, le poids de l’Amérique ne pourra plus être négligé.

La France a eu sa part, la plus grande part, dans la naissance de la grande démocratie américaine. Jefferson qui rédigea la déclaration d’indépendance était imbu des idées de nos philosophes du XVIIIe siècle, et nos idées comme nos soldats ont combattu pour la jeune Amérique.

Certains critiques ont disputé sur les motifs qui avaient poussé nos pères à soutenir les insurgents ; on a attribué ce noble mouvement à l’intérêt, à la rancune, au désir d’obtenir une revanche contre l’Angleterre. Je ne sais pas de pire cause d’erreur que de vouloir juger les actes des hommes par la recherche de leurs intentions. L’élan de notre Nation ne pouvait pas abolir, chez les hommes d’État qui la dirigeaient, le légitime souci de leurs devoirs envers elle, mais pourquoi contester au cœur la générosité avec laquelle il se livre si, quand il se donne, il est d’accord avec la raison ? M. de Verge unes était ambassadeur à Constantinople en 1763, quand le Canada nous fut