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LE PREMIER NOËL EN ALSACE DÉLIVRÉE.

chez nous, aux simples soldats, à ceux qui n’ont même pas sur la manche un galon de laine, de s’asseoir auprès de leurs officiers. Quelle différence avec les coutumes de l’armée allemande, où le supérieur ne néglige aucune occasion de témoigner à l’inférieur un mépris que celui-ci accepte avec une docilité humiliée !… À cette heure de grande fraternité nationale, il semble que les distances se sont encore rapprochées, resserrées, au point de disparaître dans un élan mutuel de confiance et d’amitié entre les plus illustres chefs et les soldats qu’ils ont conduits à la victoire. Plusieurs stalles du banc d’œuvre, curieusement orné d’amusantes figures par un imagier inconnu, sont occupées par des conscrits des plus récentes classes, jeunes guerriers imberbes, aux yeux candides et purs, enfants de France, jetés au combat presque au sortir de l’école, ayant accompli déjà, sur le champ de bataille, des exploits attestés par leurs brisques, par leurs fourragères, par les palmes et les étoiles qui décorent leurs capotes bleues. Ils ont dans le regard, dans le maintien, dans tous les traits distinctifs de leurs figures une expression de maturité précoce, une gravité volontiers méditative, un ton de noblesse native qui fait qu’étant assis tout près de leurs généraux, non loin du grand chef au visage pensif et calme, ils ne semblent nullement déplacés. Entre tous ces combattants, jeunes ou vieux, célèbres ou ignorés, il y a comme un air de famille qui efface toutes les différences de condition et toutes les inégalités de fortune. Ces hommes font voir à l’Alsace tout ce que notre France a de meilleur, l’élite de la jeunesse, l’aristocratie de l’intelligence et du cœur, la fleur de la nation. Et, pour que rien ne manque aux joies spirituelles de cette assemblée de Français réunis pour la célébration fraternelle de la plus consolante des fêtes, la maîtrise de l’église Saint-Martin de Colmar a eu l’heureuse pensée de joindre à la beauté des chants liturgiques l’émotion de cet hymne dicté par l’inspiration chrétienne au génie d’un grand poète français :

Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure ;
Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit…

Mercredi, 25 décembre.

Je ne veux pas achever cette belle journée de Noël, sans aller voir, au Palais de Justice, cet Alsacien de Zimmerbach,