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de la Lithuanie, il leur deviendra facile, sous l’égide des Alliés vainqueurs, de nouer avec leurs voisins du Nord une alliance militaire et économique qui pourra aller jusqu’à la fédération et qui, laissant aux deux parties le libre développement de leur culture nationale, les rendra plus fortes en face de l’éternelle menace allemande et de l’effroyable danger bolchevique. Il appartient à la diplomatie des Puissances occidentales de dissiper les malentendus et les défiances qui subsistent entre ces deux peuples, de les unir en un faisceau solide et de ménager, pour l’avenir, leur réconciliation avec une Russie refaite, reconstituée sur de nouveaux principes politiques et sur des bases nationales purement russes.

Au Nord des Lithuaniens, les Lettons peuplent la Courlande et la partie Sud de la Livonie, tout autour du golfe de Riga ; ils sont en contact, au Nord, avec les Esthoniens. Nous avons dit comment l’histoire les a éloignés des Lithuaniens et rapprochés des Russes et des Esthes. Ils sont au nombre d’environ deux millions. Ils avaient beaucoup souffert du centralisme administratif et pensaient se libérer en abattant le régime tsariste ; on vit leurs bataillons prendre une grande part aux révolutions russes ; ils sont tombés sous le joug allemand et maintenant la terreur bolchevique les menace. La tendance qui domine chez eux est de garder leur autonomie, tout en s’unissant à une Russie où la liberté et l’ordre seraient rétablis.

Les Esthes qui peuplent le rectangle délimité par la mer Baltique, le golfe de Finlande, le lac Peïpous et une ligne qui partirait d’un point à 40 ou 50 kilomètres de la pointe Sud de ce lac pour rejoindre la mer, sont moins nombreux encore : 1 500 000. C’est un petit peuple intéressant ! et sympathique qui a su conserver, malgré l’oppression sociale des barons baltes et l’oppression politique et administrative des fonctionnaires russes, l’originalité de sa langue et de sa civilisation finnoise. C’est chez les Esthes que les efforts de germanisation, depuis l’époque des chevaliers teutoniques, ont été le plus constants et le plus intenses ; à Dorpat a prospéré, jusque sous Nicolas II, une université allemande où les fils des barons baltes venaient apprendre l’idéal pangermaniste. En Courlande, en Livonie et en Esthonie, les Allemands comptaient établir leur base d’opérations pour exploiter la Russie et encercler la Pologne dans un réseau allemand qu’une Ukraine germanisée aurait complété