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Les régions où dominent les Polonais et celles où dominent les Allemands sont faciles à délimiter. Si la loi de 1908 a permis à la Commission prussienne d’expropriation d’établir quelques villages allemands au milieu des terres polonaises, ces îlots artificiellement créés, au mépris de toute justice, ne sauraient entrer en ligne de compte quand il s’agira de déterminer le caractère national d’une région. Les Allemands en seront quittes pour transplanter une seconde fois ces colons officiels sur un autre domaine. Les Polonais occupent en masses compactes, où les majorités nationales atteignent souvent, même d’après les statistiques allemandes, 80 et 90 pour 100, les régions de la Silésie, de la Posnanie, de la Prusse orientale et de la Prusse occidentale qui confinent à l’ancien Grand-Duché de Varsovie. Dans les parties polonaises, la proportion des Allemands n’est importante que dans les villes ; mais il faut tenir compte qu’il n’y a pas de Polonais parmi les fonctionnaires et employés du gouvernement, sauf dans les emplois tout à fait subalternes, et que les troupes de garnison étaient pour la plupart allemandes, les recrues polonaises étant systématiquement expédiées dans l’Ouest. Ces éléments n’entreront plus en ligne de compte quand l’Etat polonais sera constitué ; en revanche, une grande partie des 600 000 ouvriers polonais que les lois de spoliation ont obligés à aller chercher du travail dans l’Ouest, reviendront dans leur pays d’origine dès qu’ils seront assurés d’y trouver le pain et la liberté.

Lorsque M. Scheidemann affirmait, dans la Neue Zurcher Zeitung du 20 mai 1917, que la Pologne prussienne est tout entière un territoire mixte « où telle commune peut donner 51 voix polonaises contre 49 allemandes, tandis que ce rapport est inverse dans les communes voisines, » et qu’il en concluait qu’il serait absolument impossible de séparer ces territoires de l’Etat prussien, il se trompait volontairement et lourdement. En Posnanie, d’après les statistiques linguistiques et scolaires prussiennes très favorables aux Allemands, l’élément polonais a la prépondérance absolue dans trente-trois districts sur quarante-deux ; dans trois autres il dépasse 40 pour 100 ; dans les six autres la proportion des Polonais est de 23 à 35 pour 100 ; les districts les moins polonais sont situés à la pointe Ouest et Nord-Ouest de la Posnanie. Une étude de la population par communes montrera qu’il est facile de tracer une frontière