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hautes graminées. A sa droite, une ombre humide descendait sur le sol ; mais le côté exposé au midi était inondé d’une averse de soleil. Un gros bourdon bleu, pénétrant dans une campanule, inclinait la fleur sous son poids. Et le petit homme, à cette vue, soulevé par un accès de poésie et de lyrisme, se prenait à adorer ces manifestations de la vie universelle.

— O grand être, murmura-t-il, quelles paroles pourraient atteindre à ta majesté ? Le silence seul est capable de te louer dignement.

Il avançait ainsi sans se rendre compte du chemin parcouru, possédé par le désir de voir tous les aspects de la Haye, profonde comme une mer. Tantôt il s’arrêtait devant un bouquet de bouleaux, frissonnant de toutes leurs feuilles ; tantôt il marchait plus vite, les poumons dilatés par le souffle résineux des grands sapins. Il finit par se laisser tomber au pied d’un chêne qui emplissait l’espace d’une rumeur ineffable. Ayant épongé la sueur qui coulait de son front, il respira fortement, pencha sa tête et regarda une fleur d’ancolie que le vent balançait dans le sentier.

Soudain, il lui parut que la fleur magique grandissait démesurément, et sous les pétales lilas délicatement fripés apparut une tête futée, aux yeux brillants comme des yeux d’écureuil, qui doucement lui souriait. Ayant mis le doigt sur ses lèvres, la mignonne apparition, sans doute une des fées de la Haye, commanda au professeur de le suivre. Il obéit et s’élança sur ses pas. Mais des obstacles de toute sorte le retardaient : parfois de gros arbres, tombés en travers du chemin, lui imposaient d’audacieuses escalades, et d’autrefois il entrait dans des couloirs de rochers où il ne pouvait avancer qu’en rampant sur le ventre durant des minutes mortelles. Les bêtes de la forêt, perchées sur les branches ou blottis au cœur des fourrés, le suivaient d’un regard moqueur. Un renard s’élança sur lui en glapissant et en découvrant des dents blanches et pointues. L’ombre s’épaissit sur sa tête. Une roche dressa devant lui sa muraille impénétrable. Ayant découvert une fissure, M. Bourotte engagea sa tête, ses épaules, son corps ; il poussa vigoureusement, et il eut la joie de déboucher dans un vaste espace libre. C’était une plage de sable, baignée de soleil, rafraîchit par un vent fort qui soufflait de la mer. Ayant tourné la tête,