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et vaillant député d’Hazebrouck, qui est accueilli par toute une manifestation de sympathie. Soudain, les tambours battent aux champs, on entend mugir la Marseillaise, le « garde à vous ! » passe comme un souffle brusque sur les troupes immobiles, et, avec les flammes rouges et blanches de leurs fanions, fièrement campés sur leurs étriers, débouchent à une vive allure les cavaliers de l’escorte présidentielle.

« Voici Poincaré ! Voici Clemenceau ! » On grimpe sur les bancs pour les voir. Tout le monde est debout. Les vivats partent en une immense clameur… Et ce fut une chose très simple, — très émouvante et très belle dans sa simplicité. Les Allemands habitués à l’emphase, à la pompe massive des parades impériales, ont dû être déconcertés par cette grandeur exempte de tout effet théâtral. Tête nue, le chapeau à la main, sans autre ornement que le cordon rouge de la Légion d’honneur, mais soulevé par l’indicible émotion qui pâlissait son visage et qui mettait dans sa voix une ampleur et une puissance extraordinaires, — os magna sonaturum, — le Président, en cette minute sans pareille, sut traduire aux yeux de tous la majesté du peuple français. Il eut les mots qu’il fallait, lorsque, tendant au maréchal Pétain le bâton de velours bleu étoilé d’or, il évoqua le souvenir du maréchal Fabert, le glorieux enfant de Metz, à qui le Roi de France conféra cette même dignité suprême de la hiérarchie militaire. Et il eut aussi le plus heureux, le mieux inspiré des mouvements, lorsque, après avoir donné l’accolade au nouveau maréchal, il embrassa, en une éclatante et patriotique attestation de l’union sacrée, le vieil homme d’État qui, au bord de l’abîme, ne désespéra point de la Patrie. Aussi peu Tigre que possible, M. Clemenceau montra aux foules lorraines une figure paternelle et souriante, qui lui gagna instantanément tous les cœurs. Sous ses grosses moustaches blanches et ses sourcils en broussaille, il fut le grand’père, un peu bourru, mais si brave homme ! qui apporte à ses petits-enfants le cadeau de la Saint-Nicolas. À côté du Président personnifiant la France forte de son droit et de la vaillance de ses fils, la France victorieuse qui rentre dans sa maison, — ce vieux Gaulois au cœur guerrier ne voulut être que l’aïeul qui vient présider une fête de famille.

Les deux Présidents ont regagné leur place sur l’estrade… Tout à coup, au centre du terre-plein, un grand éclair d’or