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environ, il paye cette troupe, il accorde des grades et des décorations, tout cela est en contradiction avec ses protestations et cause des troubles. Verrier réclamait donc des éclaircissements très nets : « Ah ! monsieur Ceccaldi, disait-il, je crains bien que, par obligeance, vous ne soyez compromis d’une manière à vous causer des regrets. Croyez-moi, et je vous parle le langage de la franchise, engagez, sollicitez, pressez même le général Murat à quitter votre demeure et d’aller attendre ses passeports dans un autre pays que la Corse, parce que je n’entrevois rien de satisfaisant dans l’avenir ni pour lui, ni pour vous, en prolongeant plus longtemps son séjour dans ce pays. »

Le jour même, Colonna-Ceccaldi répondit au colonel par une justification en règle et les plus solennelles protestations de fidélité à Louis XVIII ; « Je ne connais ici, ni n’ai jamais connu dans ma commune, disait-il, aucun rassemblement de troupes, et le souverain que je loge chez moi est bien loin de mériter les soupçons que l’on jette sur lui. À la vérité, il est arrivé en cette commune, et il en arrive, et il en part tous les jours, plusieurs officiers, ainsi que des sous-officiers et soldats, pour témoigner à leur ancien souverain, qui les avait nourris et décorés, l’hommage de leur reconnaissance. Il n’est pas à ma connaissance que le Roi ait délivré à qui que ce fût des décorations, mais il pourrait se faire qu’il ait délivré, en sa qualité de roi de Naples, titre qu’il n’a pas abdiqué, étant moins encore dans l’intention de le faire, des certificats témoignant qu’il les leur avait accordés dans le temps. » Il terminait ce plaidoyer par l’assurance de son dévouement et « de sa soumission de garant personnel. » « Quant au départ, disait-il, je le crois fixé, mais je croirais mentir si je vous en précisais l’époque. »

Il n’ajoutait point que cette alerte ne devait avoir pour effet que d’activer les préparatifs. Sans doute, les agents de Murat avaient fait diligence, mais le fret des barques avait paru très élevé. On n’avait pu en acheter que deux, et, au moment même où elles furent équipées et prêtes à partir, le colonel Verrier mit l’embargo sur elles. Comme écrivait, le 10 septembre, Colonna-Ceccaldi : « Vous intimez à mon hôte l’ordre de partir, et vous lui en enlevez les moyens ; vous voulez qu’il quitte la Corse, et vous l’en empêchez. »

À la vérité, deux jours plus tard. Murat reçut une offre qui eût pu lui rendre les moyens qu’il se trouvait avoir perdus.