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par des coups de chance aux bandes qui le traquent[1].

Fourbu, exténué, tel un cerf aux abois, le malheureux n’a plus d’espoir que dans un improbable retour de la fortune, — il vient. De braves gens se rencontrent qui, mis au courant par Bonafous-Murat de la situation du Roi, s’offrent pour le mener en Corse, ou tout au moins le conduire en mer sur le passage du bateau-poste. Ce sont deux jeunes officiers de marine, Donnadieu et Anglade[2], et un ancien employé à la suite des armées d’Espagne, Blancard. Bonafous-Murat, pour détourner les espions, doit faire un tour dans la montagne, et, s’il peut, rejoindra à la plage.


En Corse, Murat est assuré de trouver une sorte de sécurité, grâce au grand nombre d’officiers qui ont servi dans son arme. Aussi bien la terre lui est fermée, et toute tentative, pour gagner l’Angleterre en traversant le midi de la France, tiendrait du suicide. La Corse, d’ailleurs, est à peine soumise aux Bourbons ; la lutte « reste ouverte entre les éléments qui, — en changeant de nom selon les circonstances, — s’affrontent depuis vingt ans. » « La Corse, écrit le général Simon dans un rapport qu’il adresse le 4 septembre 1815 au ministre de la police de Louis XVIII, est divisée en deux partis bien prononcés, et dans les différentes révolutions qui ont donné la supériorité à l’un ou à l’autre de ces partis, les voies de fait et le pillage ont toujours été commis par celui qui se qualifie de parti royaliste, mais qui n’est réellement qu’un parti anarchiste ou anglais. Heureusement il est le moins nombreux ; l’autre parti, qui est beaucoup plus fort, est composé de gens plus sages et de bons citoyens attachés à la France, mais que la crainte tient dans le silence, dans un moment où la qualification de Napoleonistes, qu’on leur donne indistinctement, semble être un titre de proscription, mais tous se réuniront franchement autour du gouverneur envoyé par le Roi avec des forces.

  1. Il est remarquable que la version donnée par Macirone en 1817, Interesting Facts, etc.) est reproduite littéralement par Colletta. (Extrait des Mémoires, etc., Paris, 1823) et de nouveau par Macirone (Memoirs, t. II. p. 273). Elle est romanesque, mais n’est guère invraisemblable que dans ses détails. Toutefois, n’ayant pas trouvé de pièces qui la confirment ou l’infirment, nous nous en tenons à ce qui ne saurait être discuté.
  2. Appelé partout Langlade, il signe Anglade.