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pareils rassemblements, je ne sais pas trop ce qui en arriverait. »

Joliclerc est venu trouver le marquis de Rivière ; il l’a entretenu de la position de Murat et il a reçu de lui une commission dont il lui rend compte à lui-même dans des termes qui ne sauraient laisser aucun doute sur ses intentions : « Conformément aux ordres de Votre Excellence, écrit-il, j’ai dit à M. Murat (Bonafous), capitaine de frégate, neveu du roi Joachim, que si ce prince était encore dans les environs, l’autorité supérieure lui offrait un sauf-conduit et une escorte, pour qu’il pût gagner à son gré ou un vaisseau de guerre anglais, ou l’armée autrichienne, à son choix ; qu’il aurait à cet égard des garanties écrites s’il le désirait ; que, dans le premier cas, on lui procurerait un bâtiment convenable, etc. Le neveu m’a déclaré qu’il croyait son oncle parti par mer depuis le 22 juillet ; que, cependant, il irait aux informations et me ferait une réponse positive sous peu de jours ; ce qui me confirme dans l’idée que j’avais, que, si ce personnage ne s’est pas embarqué, il doit être retiré quelque part dans nos montagnes. Ne jugeriez-vous pas convenable, monseigneur, de m’envoyer de suite, ou à M. le comte de Lardenoy, le sauf-conduit en question, pour qu’à l’instant même où l’on me rendra réponse, nous puissions mettre à exécution ce qui aura été convenu ? Je suis persuadé que ce prince, s’il est ici, préférera de se rendre aux Anglais, s’attendant bien cependant qu’ils le conduiront à Trieste, auprès de sa famille, comme feraient les Autrichiens, mais il voyagera d’une façon moins désagréable par mer qu’il ne le ferait sous forte escorte par terre. Il faudrait avoir un ordre pour que la marine fournit un bâtiment. Vous aurez la bonté, monseigneur, de me donner vos instructions, que j’exécuterai ponctuellement. J’accompagnerai même le personnage jusqu’à son arrivée au premier vaisseau anglais, et je retiendrai alors le sauf-conduit pour vous le rapporter. En un mot, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour remplir vos intentions[1]. »

Ainsi, de ce rapport où Joliclerc résume les instructions qu’il a reçues, résulte la certitude que M. de Rivière était disposé à

  1. Il convient d’insister sur ce point : la plupart des narrateurs (particulièrement Colletta et Macirone) ont adopté et propagé une version de, la conduite de M. de Rivière entièrement démentie par ces documents.