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elle n’est point déclarée prisonnière, mais on lui signifie que son intérêt ne lui permet point, pour le moment, de quitter Trieste. Pourtant, elle espère que Napoléon l’accueillera, en quoi elle ne se trompe pas.

Mais de Murat Napoléon ne veut point. Il l’a défendu, — mais aussi se défendait-il lui-même, — lorsque, le 2 mai, Lord Castlereagh a apporté à la Chambre des Communes une série de pièces, — faussées et interpolées, — remises par M. de Blacas au Gouvernement anglais, en vue de prouver Le double jeu de Murat en 1814. Il a dévoilé la machination, il a, pour la prouver, ouvert son cabinet, fait communiquer aux Anglais qui s’y présenteraient les minutes authentiques des lettres qu’il a adressées à sa sœur et à son beau-frère. Cela n’a point convaincu, certes, Lord Castlereagh, ni ses collègues : le fait était acquis, Murat condamné et détrôné : l’Angleterre ne revenait point là-dessus. Quant à prendre en charge cette campagne dont on avait pu, du jour où elle avait été ouverte, prédire les vicissitudes et la terminaison, l’Empereur ne s’en souciait aucunement. C’était malgré lui et contre lui que Murat l’avait précipitée, malgré lui et contre lui qu’il l’avait menée. Napoléon n’a aucune raison de se solidariser avec Murat parce qu’à présent il est vaincu ; néanmoins, il ne juge point utile de critiquer des opérations militaires qui témoignent d’une étrange maladresse ; il ne révèle point les démarches faites au Congrès de Vienne, les lettres écrites à Louis XVIII et à Talleyrand, les dépêches des agents napolitains à Paris, même pas la proclamation lancée à Rimini et les injures contre la France : il passe, mais il coupe.

Dès qu’il sait que Murat est débarqué à Cannes, il lui expédie un M. de Baudus, ancien employé des Relations extérieures, qui, de 1809 à 1813, a été sous-gouverneur des princes de Naples. Baudus lui dira : « Que Sa Majesté désire qu’il choisisse une campagne agréable entre Grenoble et Sisteron pour y habiter jusqu’à l’arrivée de la Reine et jusqu’à ce que les nouvelles de Naples soient éclaircies. » Ensuite un réquisitoire, mais point déclamatoire, des phrases brèves précisant tous les points : « M. Baudus lui témoignera, en termes honnêtes et réservés, les regrets que l’Empereur éprouve de ce que le Roi a attaqué sans aucun concert, sans traité, sans aucune mesure prise pour instruire les fidèles sujets d’Italie de ce qu’ils