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loyalement, que l’architecte avait dû faire quelques travaux de préservation à mi-hauteur du transept Nord, assez visibles pour que les Allemands n’aient pu s’y méprendre. Un radio allemand du 19 mars avait répliqué « que le cardinal ne passe pas la nuit sur les tours et qu’on a pu supprimer le poste pendant sa visite et le rétablir après. » C’est alors que le colonel Feyler, qui se trouvait en France, a voulu en avoir le cœur net. Arrivé à Reims à l’improviste, le 20, sans prévenir personne, il a demandé, sur place, à faire immédiatement cette inspection. Le gardien civil qui l’accompagna avait ordre de le conduire partout. Or, il a déclaré n’avoir pu découvrir, malgré ses investigations d’inquisiteur militaire averti, rien qui, de près ou de loin, ressemblât à imposte d’observation, ni la moindre trace de quoi que ce soit, pas même un débris de carte ou de registre, rien qui pût déceler qu’aucune installation de ce genre ait jamais existé. Il ajoutait que l’aspect d’abandon et de délaissement de la tour du Nord l’a particulièrement frappé.

Mais les Allemands, même après cette constatation d’un neutre, persisteront dans leurs allégations inexactes, cent fois contredites, cent fois réfutées : la cathédrale de Reims est utilisée par l’armée ! Il est vrai que s’ils lâchaient cette accusation à laquelle ils se cramponnent, il n’auraient plus rien à dire ; ils ne feraient plus figure de soldats et se retrouveraient tout uniment en posture de bandits, en face de Notre-Dame.

Et pourtant, ils ne peuvent tromper personne.

Pour le 17, le 18, le 19 septembre, ils ont des témoins qu’ils ne récuseront pas, leurs propres blessés qui encombraient les abords de la tour, — même des deux tours, — et qui en obstruaient l’escalier. Ils déclareraient, j’en suis sûr, que pas un militaire n’a essayé d’y monter, et que d’ailleurs il n’y avait ni soldats ni officiers français à la Cathédrale ce jour-là, si ce n’est les quelques hommes du poste, qui se tenaient à l’extérieur.

Et tout le monde sait bien que jamais, depuis l’incendie, pas un seul jour, la Cathédrale ne fut rouverte au public ; que les Rémois n’y ont pas remis les pieds ; qu’elle est fermée depuis ce temps-là ; que les étrangers n’y entrent qu’en passant, et toujours accompagnés ; que l’accès des tours est rigoureusement interdit par l’autorité militaire, à n’importe qui, même et surtout aux officiers ; que les portes des escaliers sont closes ; et que, plutôt que d’autoriser quelques ouvriers à