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placardées sur les murs, d’immenses affiches représentant les ruines de la Cathédrale, avec cette inscription : « Voilà comment les Français détruisent leurs monuments ! »

On est désarmé devant cette ténacité d’Allemands dans le mensonge[1].

Le conservateur de la bibliothèque royale de Bavière, le docteur Pfeiffer, s’enfonce plus lourdement encore dans l’impudence : « Cet admirable monument de Reims, dit-il, a été négligé, endommagé d’une manière incroyable par l’incurie absolue et l’inintelligence des autorités françaises et de l’État… Ceux qui ont vu la Cathédrale de Reims le savent : on cachait les trous des murs sous des Gobelins ; et, à propos des statues de l’extérieur, Vœges écrivait, il n’y a pas longtemps, ces paroles qui devraient faire rougir nos accusateurs : Quelle pitié de laisser périr ainsi par l’humidité et le vent ces témoins précieux de l’Histoire et de l’Art français !

« Il ne faut pas être prophète pour prévoir que la réparation des dégâts causés par le bombardement sera l’occasion d’un renouvellement complet de la Cathédrale, qui lui permettra de paraître dans sa splendeur première et effacera les traces de l’incurie de ses gardiens français[2]. »

L’Internationale Monatschrift (n° de décembre 1914) nous apporte une perle qu’il faut recueillir, au risque d’allonger ce fastidieux étalage de duplicité et d’audace.

Dans un article sensationnel, sur « la protection des monuments de l’art, en temps de guerre, » dont on a inondé les pays neutres, il nous fait part de la sollicitude du Kaiser et de son gouvernement pour nos églises et nos cathédrales, qu’il faut protéger contre l’inconcevable négligence de notre gouvernement, à l’endroit de nos merveilleux trésors d’art et de nos vieilles églises, témoin le livre de M. Maurice Barrès : La grande pitié des Églises de France !

  1. Le 12 juillet 1916, deux ans presque après l’événement, un journal allemand écrit avec sérénité : « Les Français mettent sur le compte de la barbarie allemande les dégradations de la Cathédrale de Reims ! » Cf. Deutsche Tages Zeitung.
  2. La Suisse, 15 novembre 1914. — Un autre, le docteur Karl Frey, conseiller d’État et professeur à l’Université de Berlin, affirme, dans la Gazette de la Croix, que « la destruction même complète de la cathédrale de Reims n’aurait pas grande importance, parce que les cathédrales se reconstruisent. Et, comme nous connaissons leur structure dans les moindres détails, nous sommes sûrs d’une reconstitution réussie. » (Cité par la Grande Revue, mars 1915, p. 77.)