Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de savoir ce que les populations pensaient d’une telle initiative. Il envoya le colonel de la Bloquerie s’informer. Haguenau reçut La Bloquerie à merveille : et la ville de Haguenau, — non point, pour elle, un comte de Salm, — la ville de Haguenau signa une convention qui vaut d’être examinée. Afin d’ « assurer quelque repos à la ville après les nombreuses tribulations qu’elle avait dû. endurer, de lui épargner de nouvelles misères, de lui conserver en particulier sa foi catholique et ses franchises, de la préserver enfin de ces cruelles alternatives qui la faisaient sans cesse changer de maître et la menaçaient d’une ruine totale, » les habitants de Haguenau se plaçaient et plaçaient leurs biens sous la protection du roi de France ; les bourgeois promettaient au Roi « de lui jurer le serment et l’hommage convenables. » Le fils du maréchal de la Force, étant venu, « recognoissoit une joie merveilleuse dans le peuple d’avoir désormais pour protecteur le Roi. » Le Magistrat de Haguenau écrivit à Louis XIII que cette convention tutélaire était « un bienfait de la divine providence ; » il ajoutait : « Dociles à notre devoir, nous venons donc saluer très humblement Votre Majesté et lui recommander instamment notre cité et ses habitants. » Cette lettre est du 7 février 1634.

Sept mois plus tard, le 5 septembre, les Suédois étaient battus par les Impériaux à Nordlingen. Il leur fallait abandonner le pays. À Colmar, on eut peur. Les Impériaux, délivrés des Suédois, allaient passer le Rhin : déjà ils se concentraient à Rastadt ; et qui les menait ? le très féroce Jean de Werth. Le conseil de la ville, assemblé rapidement, fut d’avis qu’on négociât sans perdre de temps avec la France, selon l’exemple de Hanau et de Haguenau : voire, ce ne serait pas, cette fois, une ville et ses dépendances qui réclameraient le protectorat français, mais bien l’Alsace tout entière. Il y avait alors à Strasbourg un personnage un peu bizarre, M. Melchior de l’Isle, gentilhomme allemand, de religion protestante, ancien ambassadeur du landgrave de Hesse-Cassel à Ratisbonne et qui, s’étant lié avec le Père Joseph, passa au service de la France : Louis XIII l’avait nommé en 1631 son résident à Strasbourg. C’est lui que vinrent trouver les gens de Colmar et leur syndic M. Mogg. Aussitôt Melchior de l’Isle est enchanté : il va donner l’Alsace au roi de France. Il était si sûr de son fait qu’il n’eut pas soin de consulter le cardinal de Richelieu. Le 9 octobre, il signe avec le syndic de Colmar et avec le résident du roi de Suède un traité concernant toutes les villes d’Alsace, garantissant leurs franchises et privilèges et les confiant à la protection du roi Très