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destinés à constituer la plus fructueuse rénovation de notre France, c’est la métallurgie. Dans ce cas, la guerre a provoqué une telle activité qu’on aura plutôt, malgré toutes les extensions projetées, à diminuer ou du moins à détourner la main-d’œuvre qu’à l’accroître. Pour le développement actuel, on s’est tiré d’affaire en récupérant des mobilisés, en leur adjoignant des femmes, des étrangers et des prisonniers. Je donne, à titre d’exemple, la répartition actuelle de la main-d’œuvre à Saint-Chamond. Sur 18 500 ouvriers, on y emploie 8 900 mobilisés, 5 300 femmes, 2 900 civils, 577 Kabyles, 437 étrangers divers (surtout Espagnols et Italiens), 300 prisonniers. Des combinaisons du même genre, aux prisonniers près, pourront servir après la guerre, et les industriels qui ont déjà réussi à organiser l’industrie lorraine sont généralement optimistes sur la possibilité de résoudre des questions semblables à coups d’argent.

Cependant les conditions ne seront plus les mêmes qu’autrefois et le recrutement d’une main-d’œuvre étrangère, qui s’imposera à nous comme une des solutions nécessaires, ne sera pas simplifié par la situation où se trouveront la plupart des pays européens. Tous les belligérants auront subi des pertes analogues aux nôtres. Les neutres, si peu nombreux maintenant, devront subvenir à leurs propres besoins accrus par le ralentissement des travaux pendant la guerre, en même temps qu’ils seront sollicités par tous leurs voisins. Parmi ces belligérants destinés à nous disputer la main-d’œuvre, je me borne à mentionner le cas de l’Allemagne.

Les besoins de main-d’œuvre étrangère étaient devenus très considérables en Allemagne avant la guerre et la hausse des salaires en facilitait le recrutement. En 1911, l’Allemagne comptait, sur son sol, 1 260 000 étrangers, auxquels venaient s’ajouter chaque été environ un million d’ouvriers agricoles (un tiers de femmes et deux tiers d’hommes). Dans la seule année 1913, l’Allemagne a importé 850 000 Russes, pour la plupart Polonais et 350 000 Autrichiens-Hongrois. Les besoins vont être largement accrus par les pertes subies et il faut s’attendre à voir, dans ce cas comme pour le ravitaillement en matières premières, l’Allemagne tenter, sous une forme quelconque, la colonisation de la Russie et de l’Asie Mineure.

Il est, je crois, inutile d’insister davantage sur un fait aussi