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et qui veut la justifier, après l’avoir gagnée ? Il semble que M. Lloyd George n’ait pas eu d’autre programme, pour l’heure présente, que d’éveiller dans sa patrie ce sentiment du devoir pacifique comme il avait éveillé le sentiment du devoir guerrier. Il est venu dire à la Grande-Bretagne et de telle manière que tous les autres peuples ont entendu sa voix et compris ses harangues : « Je t’ai conduite, comme les habitants de la petite vallée galloise, sur les sommets... Tous les peuples sont aujourd’hui sur les sommets... Allons-nous en redescendre ? La vertu civique ne suppose pas moins d’abnégation que le courage militaire... La paix n’apporte point la détente ni le repos, mais exige au contraire le patient effort du sacrifice quotidien. Que le citoyen reste digne du soldat ! Prenons garde de mourir de gloire ! »

Cet appel d’un grand chef à son peuple retentira d’autant plus profondément dans les cœurs français que ce rapide portrait serait bien inexact s’il y manquait, parmi les traits principaux, l’amour de M. Lloyd George pour la France.

Certes, cette affection s’est manifestée avec magnificence et fidélité : dans toutes nos mémoires chante quelque chose des louanges émouvantes que M. Lloyd George, toutes les fois qu’il en a pu provoquer l’occasion, aux Communes, dans des meetings ou des banquets, a adressées à nos soldats, notamment le jour où, dans les ruines mêmes de Verdun, il a proclamé que la France, conformément à sa destinée historique, venait encore de sauver le monde. Au cours des années difficiles et lentes, quand il tentait d’exalter l’énergie de son pays, il l’exhortait d’abord à regarder de l’autre côté de la Manche, proposant également comme modèle à ses compatriotes nos combattants et nos travailleurs. Quand il parlait aux grévistes des mines, il tendait le bras vers les ports où des vaisseaux français attendaient leur cargaison. Récemment encore, aux mineurs de chez lui, pour accroître leur production, il criait en un mouvement magnifique : « La France, depuis quatre ans, endure le plus cruel des supplices ; depuis quatre ans, les griffes de la bête sont enfoncées dans sa chair saignante. Elle a tout supporté avec une incomparable patience... Que lui faut-il pour se libérer et vaincre ?... Du charbon... Mineurs gallois, donnez à la France du charbon... ! »

Mais si j’ai voulu terminer sur ce trait, c’est parce que,