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être si fier et si jaloux, qu’il rangeât cette armée sous les ordres d’un général étranger. Les foules anglaises accueillent aujourd’hui comme un des leurs le maréchal Foch ; la spontanéité de leur enthousiasme et de leur reconnaissance envers le vainqueur de la guerre égale la ferveur et l’élan de notre propre joie : admirable spectacle de concorde et de gloire, dont le premier honneur doit revenir à celui qui, au milieu même des épreuves, a su vouloir et préparer de telles heures !


VIII

Après quoi, si l’on songe que, depuis plus de quatre ans, M. Lloyd George fait la guerre et, depuis plus de deux ans, la dirige, qu’aucune décision intéressant son pays et l’Entente n’a été prise sans lui, on demeure confondu, non seulement du rôle qu’il a joué, mais de l’énergie qu’il a dû dépenser tout à la fois en intensité et en durée. Au cours d’un tel effort, il a été soutenu principalement par une discipline rigoureuse, car il n’y a rien de plus méthodique, au fond, que sa perpétuelle improvisation. M. Lloyd George se lève tous les jours à la même heure, déjeune en recevant des intimes. Déjà, il a jeté un coup d’œil sur les documents essentiels, qui, la nuit, sont rangés à côté de son lit, de manière que, s’il s’éveille un instant, il les trouve sous sa main. A dix heures, commence le travail avec les secrétaires : il écoute surtout. Au lunch, quelques invités d’affaires, puis, l’après-midi, vie publique, conseils, conférences, séances aux Communes, interpellations. Comme tous les grands actifs, Lloyd George a reçu de la nature le don du sommeil : il sait se reposer. La Chambre des Communes étant toute proche de Downing-Street, il lui arrive de se trouver au lit un quart d’heure après la fin d’une séance orageuse, et déjà endormi. Outre le café-concert et le sermon, il pratique le golf, seule concession qu’il ait faite aux habitudes aristocratiques, parce que sans le golf, lui qui se considère comme un paresseux, il n’aurait jamais eu le courage de faire une marche hygiénique. En jouant, d’ailleurs, il suit bien plus son idée que sa balle.

Dans cette belle vie harmonieuse, tous les devoirs humains ont leur place, gardent leur rang. Cet homme public est un homme de famille. Marié à vingt-six ans, il a trouvé dans le