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de tels changements que, dans le peuple, l’inquiétude grandit chaque jour ; la crainte est générale que notre front ne se désagrège et ne s’effondre, et qu’alors les envahisseurs ne se déversent dans toute l’Allemagne de l’Ouest. » (Mannheimer General Anzeiger, 7 octobre.) Chaque jour, le communiqué annonce un repli nouveau. « Le pays qui, la flamme dans les yeux, suit la marche retentissante des événements, désirerait enfin entendre le mot si ardemment attendu : Halte ! Jusqu’ici et pas plus loin ! Maintenant nous avons atteint la limite de nos principales positions de combat ; c’est ici que nous livrerons la bataille décisive. Ce moment nous paraît proche ; il est déjà peut-être arrivé. » (Berliner Tageblatt, 8 octobre.) — Faux espoir : le lendemain Cambrai est abandonné.

Les 8 et 9 octobre, le bruit se répand a Berlin que le président Wilson s’apprête à répondre par une fin de non-recevoir. C’est un immense désespoir. Les optimistes comptent, malgré tout, sur la modération du Président, et Maximilien Harden rappelle que « jadis Pausanias refusa de laisser sacrifier le cadavre de Mardonius en représailles du traitement infligé à Léonidas : un tel outrage lui semblait une marque de faiblesse. » Mais le souvenir de Pausanias ne suffit pas à rassurer les Allemands, et l’émotion grandit.

Enfin Wilson a répondu. Grande allégresse. Il veut de nouvelles explications : on les lui donnera. Pour la Posnanie et l’Alsace-Lorraine, comme il ne peut s’agir de toucher à « l’intégrité de l’Empire, » on s’arrangera. Dans la joie de voir la conversation continuer, tout le monde s’incline avec déférence devant la haute sagesse de celui que, depuis trois ans, journalistes et caricaturistes ont couvert d’opprobre.

La seconde note de l’Allemagne traduit bien cet état d’esprit. Elle est faite pour entretenir le peuple dans l’illusion que Wilson n’est plus un belligérant, mais un arbitre bienveillant. Un petit tableau tracé par le correspondant berlinois d’un journal badois paraît donner une idée juste du sentiment populaire : « En ce qui concerne l’accueil fait à la note allemande par la population berlinoise, on peut. dire qu’une partie de celle-ci l’a acceptée généralement avec une certaine satisfaction, parce qu’elle fait entrevoir la fin de la guerre. La majorité du peuple ne voit que ce côté, sans se rendre compte, pour le moment, des conséquences de la paix. La partie modérée et