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jamais renoncer ; ils renonceraient cent fois plutôt au nécessaire, et aimeraient mieux mourir de faim que de honte… Tant qu’il y aura des riches, ils voudront se distinguer des pauvres, et l’Etat ne saurait se former un revenu moins onéreux ni plus assuré que sur cette distinction. » La taxe ne comporte d’ailleurs ni arbitraire ni inquisition ; elle ne frappe que ceux qui le veulent bien ; l’étranger, qui avant la guerre dépensait chaque année deux milliards en France, lui apportera sa large quote-part. Ajouterons-nous, non sans quelque apparence, je le veux bien, de paradoxe, qu’un jour ou l’autre on en verra peut-être le poids s’alléger ou même disparaître ? Elle est imposée, n’est-il pas vrai ? en un temps de prix surélevés. Que les prix des choses, j’entends des objets taxés, viennent à baisser, comme on peut l’espérer pour l’avenir, qu’ils viennent à baisser du dixième, elle se trouvera absorbée ou résorbée de telle sorte que, tout en continuant à être payée par le public, elle ne sera plus en réalité une charge pour personne. Et il y aura ce jour-là comme une vérité dans la boutade de Gavarni qui voulait qu’on demandât plus à l’impôt et moins au contribuable !

La dime somptuaire a fait ces derniers mois l’objet de vives critiques. On se plaint qu’elle entrave le commerce ; en diminuant la vente, elle léserait à la fois la production et le travail. Or, le luxe, dit-on, n’est pas seulement la parure de la France, mais l’une des sources principales de sa richesse. La France produit et vend du luxe. Si les autres pays lui sont souvent supérieurs dans la fabrication courante et à bon marché, elle est souveraine en matière d’élégance, de goût, d’originalité, de fini. Imposer le luxe, c’est favoriser la camelote, c’est provoquer l’exode de notre clientèle étrangère et peut-être l’expatriation de nos plus belles industries nationales. D’ailleurs la loi, qui fait du commerce le collecteur de l’impôt, l’astreint à une comptabilité compliquée, a un contrôle gênant, sans même armer le Trésor contre la fraude des intermédiaires de rencontre. On demande donc, et vivement, l’abolition de l’ « incommode-taxe. »

Il y a dans ces doléances une exagération manifeste. Qu’est-ce que sont les formalités et vérifications imposées au commerce auprès de l’inquisition organisée à tous les foyers par les impôts sur le revenu ? S’il y a réduction des affaires, la vraie cause