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respectives. Lorsque la mer est plate, le débarquement s’opère sans trop de difficultés ; mais d’autres fois, la « levée » de la houle le long du bord contrarie les opérations de sauvetage. Des scènes atroces se déroulent… Cependant, à quelques encablures, un tout petit prisme de cristal, monté sur un pédoncule, réfléchit l’image de cette détresse. Aucune pitié chez le commandant de sous-marin : il contemple sur le cliché de verre dépoli le déroulement de ce film cinématographique, sans songer que ce sont des vies humaines, des vies de femmes, d’enfants… des espoirs à jamais brisés qui sombrent réellement sous la trajectoire mathématique de sa torpille.

Avant l’institution des convois, le sous-marin pouvait encore émerger parmi les épaves ; il ne risquait rien. « Votre nom ? D’où venez-vous ? Où allez-vous ? » Ces questions étaient jetées à la cantonade et le pirate disparaissait. Sur la mer déserte, dans leurs embarcations chargées à couler bas, les rescapés s’inquiétaient du vent qui fraîchissait et interrogeaient l’horizon bleuissant, incertains si la nuit qui les envahissait leur apporterait la mort ou la délivrance…


LA PUISSANCE DESTRUCTIVE DES SOUS-MARINS

Tels sont les divers modes de protection de la navigation commerciale. Dans quelle limite ont-ils amoindri le danger sous-marin ? On se rendra compte des résultats obtenus en étudiant le nombre moyen des navires coulés, par jour et par unité ennemie, à des époques successives. Cette moyenne qui, en mars 1917, atteignait en Atlantique 0,55, soit plus d’un bâtiment par quarante-huit heures et par sous-marin, n’a cessé de décroître depuis cette date. En mai, il n’est plus que de 0,40 ; en juillet, de 0,21 ; en août, de 0,19. En mars 1918, de 0,14 et en avril de 0,10, soit cinq fois moins fort que l’année précédente. Dans les mêmes parages, le montant du tonnage coulé par jour, par un sous-marin, est passé de 889 tonnes en mai 1917 à 293 en mars et 248 en avril 1918. En Méditerranée, où l’action défensive est beaucoup plus difficile, la moyenne est sujette à variations assez brusques ; elle est parfois tombée à 0,11.

Une des principales raisons de cet état de choses tient à la réduction des pertes par l’action de l’artillerie ennemie. Pendant les six premiers mois de 1917, la moyenne des attaques au canon