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tout le parcours entre France et Amérique. On se préoccupe, en plus, d’organiser aux atterrages des États-Unis un réseau de protection analogue à celui qui existe sur le littoral européen.

Une telle navigation comporte, disions-nous, des points de garage. C’était, jusqu’à ces derniers temps, un dogme qu’il fallait de préférence voyager de nuit. Je me souviens, au cours d’une traversée d’Egypte, quelle était la confiance des passagers quand les ténèbres envahissaient la mer. Pendant toute la journée ils n’avaient cessé d’interroger anxieusement l’horizon, mais, le soir venu, lorsque les hommes d’équipage fermaient les sabords pour aveugler les moindres rais de lumière et que l’on glissait sous un ciel sans lune, chacun regagnait sa cabine et s’endormait avec la conviction que tout danger était momentanément écarté. Hélas ! depuis que les sous-marins, ne pouvant plus faire usage de leur artillerie, attaquent à la torpille, il leur est indifférent d’atteindre les convois de jour ou de nuit. Ils lancent en effet leur torpille avec autant de sûreté sur les silhouettes des navires qui se détachent en caravane comme des ombres chinoises que sur ceux dont la coque se présente en pleine lumière. De nuit les submersibles lancent de très près. Il n’est pas douteux, du reste, que l’obscurité ne leur permette de venir se poster à l’affût sans être, comme pendant le jour, constamment dérangés par les patrouilles, surtout par celles de l’aviation. Il se peut aussi que les bâtiments facilitent la lâche des submersibles en n’observant pas scrupuleusement les prescriptions réglementaires, en particulier celle de masquer leurs feux.

Quoi qu’il en soit, l’efficacité des mesures que nous avons prises se démontre par les résultats suivants : dans la Manche il n’a été coulé de jour que 3 navires durant les mois de juin et de juillet, alors que 200 navires environ traversent quotidiennement le détroit. M. Lloyd George, jugeant le système, a pu écrire : « Depuis l’institution des convois, le nombre des navires coulés a décru et, pour la période de mars à juin 1918, les pertes, sur les routes principales transocéaniques, sont tombées à 1,23 pour 100 ; 93,8 pour 100 des navires étant convoyés. Pour toutes les branches du commerce, ces convois ont été fournis pour 61,691 voyages avec une perte de 373 navires, soit une proportion de 0,61 de pertes. »