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Le navire marchand n’engage la lutte que s’il y est acculé : avant tout, il doit chercher à se dissimuler. Tel est le but des engins fumigènes dont nous possédons deux types : l’un n’est qu’une simple bouteille de gaz liquéfié, dont l’évacuation produit un refroidissement de l’atmosphère, déterminant un brouillard artificiel ; l’autre consiste en une bouée qui, jetée à la mer, laisse échapper une fumée épaisse. Le navire muni de ce nouvel anneau de Gygès peut échapper à la vue de l’assaillant à la faveur d’un rideau opaque et se diriger vers l’endroit où il recevra du secours. Ainsi nous avons appelé à notre aide toutes les forces de la nature : les nuées elles-mêmes nous protègent contre l’invention diabolique des Allemands.

On pourrait à ce propos, — et si le sujet n’était pas si tragiquement douloureux, — évoquer les fabuleux souvenirs de la mythologie et chercher des symboles à nos modernes conceptions. Ecoutons plutôt le récit du commandant du Vaucluse, attaqué le 16 juin 1917 : « Pour parer aux effets du tir si parfaitement réglé du sous-marin, écrit ce capitaine, nous mettons les appareils fumigènes en route et lançons a la mer les six flotteurs qui nous restent (quatre ont été éventrés par un obus). Sur les six, quatre fonctionnent bien et forment rapidement un rideau de fumée dense qui nous abrite et déroute le tir ennemi. Nous manœuvrons en conséquence. Le sous-marin désorienté cesse son feu un instant, puis tire par intervalles ; peut-être aperçoit-il notre mâture au-dessus du-nuage. En tout cas, son tir n’est plus le même, et les points de chute sont éloignés du navire. Le tir du cargo se précise et encadre presque aussitôt le but à 4 600 mètres. Un obus doit l’avoir touché, car la fumée de l’explosion apparaît noirâtre et il ne s’écoule pas deux minutes entre le dernier coup de canon du sous-marin et le moment où il disparait. Il est dix heures trente-cinq : le combat a duré quarante minutes. »

Le camouflage a rendu lui aussi de précieux services. Les expériences effectuées en Angleterre dans le courant de l’année 1917 ont fait ressortir les avantages qui, dans de nombreuses circonstances, résultent de certaines dispositions picturales de la coque. Le but poursuivi est de tromper l’ennemi