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ordres. La censure ne put empêcher la Méditerranée d’inscrire l’histoire de ce drame tout le long de ses grèves où elle rejeta les corps des noyés. En Algérie, personne n’ignora les conditions du naufrage qui furent pour la première fois portées à la tribune de la Chambre des députés par l’honorable M. Broussais au cours des débats sur l’interpellation relative à la guerre sous-marine.

Je tiens d’un rescapé du Calvados ce détail typique. Son attentat commis, le sous-marin était revenu en surface ; sur le pont une partie de l’équipage assistait à l’agonie des naufragés et les raillait en les désignant du doigt. L’un de ces misérables, — il portait des galons, — interpellant l’officier qui s’agrippait à la carapace métallique, lui cria en français : « Vous êtes bien là ! Restez-y ! » et il souleva ironiquement sa casquette. Ce que put être l’attente sur le radeau pendant vingt-cinq heures, au milieu d’infortunés qui déliraient, je renonce à le décrire. Aussi bien ne me suis-je appesanti sur cette pénible affaire que pour arriver à la question de l’armement des navires de commerce.


La preuve était faite que l’Allemagne exécuterait ses pires menaces et qu’il fallait en toute hâte organiser la résistance. Déjà en septembre 1915 nous avions été conduits à affecter deux canons à tous les bâtiments transportant des troupes. Avec l’arrivée de l’amiral Lacaze, l’armement de la flotte marchande se généralise. On décide de donner un canon à tous les cargo-boats de ravitaillement, ainsi qu’à tous les vapeurs de la flotte commerciale, sur le désir exprimé par leurs propriétaires, qui se mettent avec le plus grand patriotisme aux ordres de la Marine. L’installation commence aussitôt à l’aide de toutes les pièces disponibles : 47 millimètres et Go millimètres pris sur les torpilleurs, 65 millimètres et 47 millimètres japonais et italiens ; 65 millimètres de côte, 75 millimètres de campagne, etc. Cet armement disparate soulevait des difficultés pour l’approvisionnement en munitions. En mars 1916, les 47 et les 65 paraissent d’ailleurs inefficaces pour lutter contre les 88 allemands : on réalise l’unité de calibre avec le seul canon dont nous possédions alors un nombre d’exemplaires suffisant pour en doter les navires de commerce. Un affût de bord est établi pour ces canons. Le