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Volés, oh ! combien ! Ils ont vendu leurs chevaux 8, 5 et même 3 roubles ; d’excellents chevaux d’officier ont été vendus 20 roubles ; ceux du régiment de sapeurs du Turkestan, encore moins cher.

— Et les canons, monsieur le colonel ?

— Au commencement, il y a eu des malins qui ont trouvé le moyen de vendre leurs canons 15 000 roubles par batterie de six canons de trois pouces, et 30 000 roubles par batterie lourde. Mais on a eu vile fait de gâter le marché. Les Allemands n’ont payé à notre division que 1 000 roubles par pièce.

— Et sans doute vous vendiez bien d’autres choses à l’ennemi ?…

— Des tas de choses : du savon, de la farine, tout ce qu’on trouvait à l’intendance.

— Liquidation générale… Pourtant, si je vous demandais le drapeau de votre régiment, me le vendriez-vous’ ?

— Pourquoi pas ? A trois cents roubles, si vous voulez : j’en serai quitte pour en faire fabriquer un autre.

— Trois cents roubles ? C’est un peu cher pour un drapeau comme le vôtre. Il ne vaut sûrement pas trois cents roubles.

Plus tard, le « colonel » me confie qu’il est revenu du front, — lui, simple soldat, — avec 27 000 roubles en poche, qu’il a d’ailleurs dépensés en deux semaines avec « les femmes. »

Ces soldats du nouveau régime sont uniques au monde, — uniques dans l’histoire du monde !


AVEC LES COSAQUES

Le 12 25 janvier 1918.

J’arrive dans la matinée à Znamenka, d’où j’espère continuer ma route avec des convois de Cosaques, retour du front.

Mes amis de Kief m’ont assuré que les jeunes Cosaques, rappelés par le gouvernement militaire du Don, reviennent dans leurs stanitzas[1], complètement gagnés par la propagande maximaliste, mais vivant en assez bonne intelligence avec leurs officiers, tant que ceux-ci n’exigent pas d’eux de remplir leurs devoirs envers la patrie russe. Les vieux Cosaques

  1. Bourgs et villages du Don.