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vont piller les propriétés, ou s’engager comme volontaires dans l’armée contre la « contre-révolution. »

A peine ai-je réussi à m’endormir, assis sur une valise, dans une atmosphère étouffante, je suis tiré de mon demi-sommeil par des éclats de voix. Un groupe, autour d’une chandelle allumée, cause bruyamment : deux faces bestiales, et puis de bonnes figures de paysans, le regard amusé, riant aux anges.

— Alors, explique un des discoureurs, on a pris et partagé la moisson, on a coupé et vendu les arbres, on a battu et chassé le propriétaire, on a tout cassé dans la maison, les tables, les armoires, les tableaux et tout…

Une bordée de rires. Mais quelqu’un réclame :

— C’est stupide. Tuer les bourgeois, c’est bien ; mais pourquoi tout casser et détruire ? Il faut prendre et profiter. Ils viennent ensuite à parler de l’armée de Kornilof.

— Nous ne faisons pas de prisonniers. Chaque officier qu’on prend, on le tue.

— Ça n’est pas assez de les tuer : il faut les jeter à l’eau… tout vifs… dans l’eau bouillante…

— Il faut les écorcher… leur enlever la peau du dos par lanières…

La conversation devient tout à fait intéressante. Je me hasarde à m’y mêler :

— On m’a conté que, sur le front austro-allemand, des soldats ont vendu à l’ennemi les chevaux et les canons. Est-ce vrai ? Pourriez-vous me dire combien les Allemands ont payé par cheval, par batterie ?

— Demandez à celui-ci ; il doit le savoir : il est chef de régiment.

Je regarde celui qu’on me désigne, un soldat qui peut avoir une trentaine d’années :

— Eh bien ! monsieur le colonel, lui dis-je sous les rires des assistants, avez-vous vendu beaucoup de chevaux à l’ennemi ?

— Tant que nous avons pu. Qu’est-ce que nous en aurions fait ? J’ai voulu d’abord en vendre aux Roumains, mais ils ne payaient pas assez. Les Allemands m’ont donné dans les cent roubles par cheval.

Tous se récrient : « Cent roubles ! Alors nous avons été rudement volés ! »