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En même temps que se constituait notre artillerie de tranchée, il nous fallait nous renforcer en artillerie lourde. Nos premières batteries de 105 long avaient pu déjà participer à la bataille de l’Yser : leur nombre alla toujours et vite croissant. D’autre part, nous avions formé à la mobilisation des batteries de pièces de 120 long et de mortiers de 220 traînées par des chevaux : à partir de janvier 1915, on augmenta le nombre de ces batteries attelées, et l’on organisa des batteries à tracteurs : pièces de 155 long, mortiers de 220 et de 270. On mit en position aussi vite que possible les grosses pièces de notre artillerie de côte et de marine : peu à peu, on les munit de tracteurs. Nous reçûmes aussi de notre industrie privée, du Creusot et de Saint-Chamond, des matériels nouveaux. Ce furent les débuts, relativement humbles, du développement de notre artillerie lourde : elle compte aujourd’hui plus de trente sortes de matériels de calibres divers, dont l’échelle va jusqu’au calibre de 520 millimètres : le mortier de 520 lance deux projectiles, qui pèsent l’un 1 200, l’autre 1 400 kilogrammes.

Si l’on veut mesurer ce que furent les premiers accroissements de notre artillerie lourde, voici quelques points de repère. Pour la bataille de l’hiver de 1915 en Champagne, nous n’avions pu concentrer sur le front de notre attaque qu’une centaine de pièces de 95 et au-dessus : aux batailles d’Artois de mai-juin 1915, le nombre des pièces lourdes n’atteignait pas encore 400. Mais, le 25 septembre 1915, sur le double front d’Artois et de Champagne, il dépassé déjà 1 100 : les premières pièces de 240 et de 370 font partie de cette masse. En août 1917, sur la Somme, plus de 1 200 canons lourds sont concentrés, dont une centaine des fabrications nouvelles à tir rapide de 155 long et court et de 280 ; près de 150 canons sont d’un calibre égal ou supérieur à 240 millimètres. Du mois d’août 1912 au mois de juin 1917, le nombre des canons de 75 a augmenté de 50 p. 100 ; celui des canons lourds organisés en régiments a passé de 300 à 6 000, modernes pour la plupart. Et tous ces chiffres sembleraient médiocres, si nous disions ceux d’aujourd’hui.

En somme nous avons réussi, en utilisant toutes nos ressources, à nous procurer les matériels nécessaires. Un programme d’artillerie lourde de grande envergure, qui récapitulait d’ailleurs toutes les demandes antérieures, avait été tracé