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de l’artillerie à découvert et peu éloignée, seules conditions envisagées dans la guerre de mouvement. Il apparaît donc, en tout état de cause, que la constitution d’une artillerie lourde s’imposait aux Allemands plus impérieusement qu’aux Français : c’est ainsi que les instructions secrètes du général von Schubert, grand maitre de l’artillerie allemande, prescrivaient de pousser l’artillerie lourde en tête des colonnes et lui assignaient la mission de détruire l’artillerie ennemie, mission que nous remettions à notre canon de campagne.

Bref, la guerre vint, avant que les partisans de l’artillerie lourde eussent chez nous gagné leur cause. Leurs efforts tenaces n’avaient guère abouti qu’à la mise en commande au Creusot d’un canon à tir rapide de 105 long ; malheureusement, le premier groupe ne sortit des ateliers qu’aux derniers jours d’août.


II. — LES PREMIERS MOIS DE LA GUERRE

A l’entrée en guerre, les Allemands possédaient des batteries d’obusiers lourds de campagne de 15 centimètres (tirant à 8 500 mètres), de mortiers de campagne de 21 centimètres (tirant à 8 200 mètres), des canons longs de 10 centimètres (tirant à 10 000 mètres), des canons longs de 13 centimètres (tirant à 15 000 mètres). Chaque division d’infanterie était dotée de trois groupes de 77 et d’un groupe de 105, soit 144 canons ou obusiers légers par corps d’armée, et au moins 16 pièces de gros calibres.

En regard, le corps d’armée français ne comptait que 120 canons de 75 ; quant à l’artillerie lourde, elle était chez nous organe d’armée et non de corps d’armée, et nous en avions très peu : quelques batteries de 155 Rimailho et de 120 court Baquet remises en service, quelques groupes de 120 long hippomobiles ou à tracteurs. Seuls, les 155 Rimailho étaient des pièces modernes à tir rapide. Trois cents pièces en tout.

Dès les premières batailles, le 75 répondit à nos espérances et les dépassa. Son tir à ricochet se révéla si puissant que nos commandants de batterie en firent aussitôt grand usage : la proportion des obus à balles (trois sur quatre) et des obus explosifs (un sur quatre), prévue avant la guerre, dut être