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publics se mirent d’accord sur un point, la réorganisation de l’impôt foncier des terres, liée à l’établissement d’une taxe sur le revenu des valeurs étrangères (loi du 29 mars 1914). Puis une loi du 15 juillet suivant créa, pour compter du 1er janvier 1915, un impôt global sur le revenu, assez mitigé dans la forme et modéré dans son taux (2 pour 100), qui n’était d’ailleurs fait, en toute évidence, que pour préparer l’avènement ultérieur d’un impôt global plus rigoureux et plus conforme aux doctrines du jour : les protestations qui l’accueillirent de droite et de gauche ne s’y trompèrent pas. Ainsi, à la veille de la guerre, la grande réforme fiscale était à peine ébauchée, dans les conditions les plus confuses, tandis que le déficit budgétaire s’ouvrait béant.


II

La guerre déchaînée, avec son brusque et terrible contrecoup économique, nul ne pouvait songer, dans le désarroi tragique des premiers mois, à toucher aux impôts existants : ils rentraient d’ailleurs mal, leur rendement avait tout de suite baissé de plus de 40 pour 100 ; l’heure n’était pas venue de demander aux contribuables un surcroît de sacrifices. Toutefois, dans le courant de 1915, à mesure que se précisait la perspective d’une guerre longue et d’une énorme progression des charges de la dette publique, il commença de s’élever de divers côtés des voix pour demander des impôts nouveaux. Ici même, dès le 15 janvier 1915, il était proposé un plan, fort sage, en vue de la création de ressources supplémentaires[1]. Au Parlement, tandis que les socialistes prônaient leurs habituelles panacées, on vit peu à peu les divers partis réclamer du gouvernement, avec des propositions de taxation, un programme fiscal d’ensemble. L’œuvre n’était sans doute pas aisée, car, si l’on excepte deux taxes un peu spéciales, les droits sur l’alcool et la contribution sur les bénéfices de guerre, le ministre des Finances crut devoir s’abstenir, pendant toute l’année 1915 et jusqu’en mai 1916, de toute proposition fiscale. On le lui a beaucoup reproché, après coup ; on a voulu voir dans cet atermoiement un manque de courage, de prévoyance, de confiance

  1. Les Finances françaises au début de 1915, par M. R.-G. Léry.