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I

Nos finances publiques, à la veille de la guerre, étaient gênées. Leur gestion, à qui les critiques n’avaient pas manqué dans le passé, offrait depuis sept ou huit ans le spectacle le plus déplorable. En sept ans, de 1907 à 1914, le budget des dépenses s’était accru de 1 171 millions, alors que, pour constater une pareille hausse des dépenses publiques, il fallait remonter de 1907 à 1872, soit à trente-cinq ans en arrière. Nul frein contre la prodigalité démagogique et les surenchères électorales, nulle discipline contre le désordre et l’incurie que favorise l’abus des douzièmes provisoires, des crédits additionnels, des comptes spéciaux. Et cependant l’impôt était chez nous plus lourd et la dette plus élevée qu’en aucun autre pays. — À mesure qu’on approche de l’heure fatale, le vertige semble s’exaspérer. Le Parlement ne paraît plus capable de remplir le premier de ses devoirs, le vote d’une loi de finances ; on a perdu l’habitude des budgets corrects ; celui de 1914 ne sera promulgué que le 18 juillet, quinze jours avant la guerre ; on vit, — déjà, — sous le régime des crédits provisoires. En dix mois, de novembre 1913 à juillet 1914, nous n’eûmes pas moins de cinq ministres des Finances. Le dernier geste de la Chambre expirante, en avril 1914, fut, on s’en souvient, de rejeter une surtaxe sur l’absinthe et de supprimer la licence des débitants de boissons ! Les moyens de fortune, les artifices de comptabilité ne dissimulent plus la situation : la vérité est que les budgets sont débordés, et que le déficit, année par année, s’est ajouté au déficit ; permanent depuis 1908 (1911 excepté), il n’est masqué que par des expédients ; au budget de 1914, il atteint 410 millions, sans compter 800 millions de dépenses extraordinaires. L’histoire sera sévère à ceux qui ont laissé aller les finances françaises à un tel état d’abandon à la veille de la guerre !

Pour sortir du déficit, il eût fallu, — à défaut d’une sage politique d’économies, — faire un large appel à l’impôt. Mais de ce côté la voie était obstruée par cette pierre d’achoppement, — ou dirons-nous de scandale ? — la question de la réforme fiscale.

Elle n’était pas nouvelle. Depuis vingt ans que les radicaux