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citoyens genevois d’origine catholique, était, en fait, séparée d’avec l’Etat ; l’État, depuis 1813, ne la connaissait pas plus qu’il ne connaissait l’Eglise protestante libre, si ce n’est pour l’exproprier. Elle vivait désormais, non seulement d’après ses lois propres, mais avec ses ressources propres, fournies par l’Œuvre du clergé, qu’avait fondée Mgr Mermillod.

Quant à l’Église protestante, Naville la définissait ainsi :


La voilà organisée souverainement par des corps politiques et organisée de telle sorte que tout citoyen, quelles que soient ses opinions, en est membre de plein droit dès qu’il le veut. De là, dans le sein de l’établissement officiel, la lutte de deux partis : l’un, partant de l’idée de l’État, soutient un droit de toutes les opinions à s’exprimer dans la chaire officielle. L’autre, partant de l’idée de l’Église, dénie le caractère de l’Église chrétienne à un établissement où tout peut être enseigné sans limites ni réserves aucunes.


Et Naville concluait : « Comment mettre fin à ces misères ? Par l’établissement sérieux de l’indépendance des Églises et du caractère, laïque de l’Etat. »

Mécontents du Consistoire libéral, les fidèles orthodoxes de l’Église protestante nationale avaient déjà, peu à peu, diminue leurs dons à cette Église : il leur déplaisait de sentir que leur générosité pourrait alimenter des paroisses où la négation libérale, tantôt avec une subtile discrétion, tantôt avec un fracas provocateur, se distribuait de semaine en semaine. Ils aimaient mieux soutenir, à l’écart, certaines œuvres d’affirmation évangélique : telle l’Union nationale évangélique, fondée en 1871, et qui organisait, dans le sein même de l’Eglise officielle, des services religieux. Qu’était donc ce phénomène, sinon une première ébauche de séparation, puisqu’une série de fidèles se mettaient à faire vivre, dans un coin de l’Église officielle, et sans rien demander à cette Église que des abris, le culte et la théologie qu’ils préféraient ? Ainsi, tandis que la séparation d’avec l’État était devenue, pour l’Église catholique de Genève, un fait, certaines initiatives privées qui s’introduisaient dans l’Église protestante hâtaient l’heure où cette solution radicale paraîtrait moins anormale, et même possible.

A la fin de 1878, M. Henri Fazy développait devant le Grand Conseil une proposition de loi supprimant le budget des cultes : elle fut’ votée, et soumise, le 4 juillet 1880, au suffrage du