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On lui a permis, dès le milieu de l’année 1915, de publier un supplément illustré de huit pages, sur papier de luxe, et d’une exécution typographique très soignée. Mais depuis le 1er février 1918, on a fait mieux encore : la Gazette des Ardennes est devenue un journal quotidien. À cette époque, le tirage effectif était probablement de 100 000 exemplaires. Les Allemands ne manquent pas de voir dans ce chiffre une preuve indiscutable de succès. Les apparences semblent leur donner raison : un journal qui monte, en quarante mois, de 4 000 à 100 000, a dû, semble-t-il, voir ses abonnements et sa vente au numéro croître dans la même proportion de un à vingt-cinq… Seulement, un tout petit détail nous permet de mettre les choses au point : la Gazette des Ardennes, feuille de propagande imposée par la force et dont toutes les dépenses sont payées par le gouvernement allemand, a si peu d’abonnés et de lecteurs volontaires qu’elle n’a jamais inséré une ligne de publicité commerciale. Ce journal sans annonces ni réclames n’a donc aucune espèce d’autorité. S’il en avait une, les Allemands, toujours à l’affût de ce qui peut favoriser leur expansion économique, n’auraient pas manqué d’établir, dans les colonnes de la Gazette, ce qu’ils appellent une « ligne de pénétration commerciale et industrielle. » L’absence de toute tentative à cet égard est absolument significative.


II

Il suffit de feuilleter la Gazette des Ardennes pour s’apercevoir que le gouvernement du Kaiser l’a fondée en vue d’un double but : l’un secondaire, qui est d’agir sur les populations envahies, l’autre principal qui est la justification de l’Allemagne devant le monde civilisé.

Nos ennemis ne se tiendront pas pour battus, même s’ils subissent une défaite écrasante. Les Teutons ont dans le cerveau de mystérieuses tranchées de quatrième ou de cinquième ligne, toutes remplies des sophismes offensifs qu’ils découvriront brusquement au Congrès de la Paix. Vaincus sur le terrain militaire, ils se croiront assurés d’une revanche suffisante sur le terrain diplomatique. Les arguments sont prêts, les équivoques établies, les chantages agencés. Le plaidoyer du Germanisme abattu sera bourré de faits, de documents, de chiffres, de