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montagne de Bligny nous est disputée âprement. En Champagne, nos tirs d’artillerie provoquent fréquemment des explosions, indice certain que des accumulations de munitions ont lieu dans cette région. L’aviation allemande fait preuve d’une inaction qui présage une concentration en cours.

L’Allemand, en effet, une fois en possession d’une méthode, l’applique avec une rigueur implacable. La rapidité de compréhension du Français lui échappe. Trompé deux fois, celui-ci connaît maintenant tous les éléments du problème. Il sait que la répétition des mêmes faits, qui d’abord n’ont pas attiré son attention, indiquera un retour des mêmes événements. Il lui suffira de saisir un ou deux de ces faits pour reconstituer la série tout entière. Cela, c’est le génie de notre peuple. Alors que l’Allemand pense fermement nous surprendre, nous connaissons déjà tout son dispositif. Quant à la marche de la nouvelle offensive, il est clair qu’elle se déroulera mathématiquement comme celle du 21 mars, comme celle du 27 mai. La machine est trop bien montée pour qu’il soit possible d’en modifier le moindre rouage.

La parade ébauchée par nous le 11 juin, s’est précisée. Les dispositions prises alors et qui ont été insuffisantes, ont subi une mise au point qui les mettra à même de donner leur plein effet. L’important, c’est de détraquer, si possible, la machine avant sa mise en marche, tout au moins d’apporter des entraves à son lancement et de diminuer ainsi sa vitesse initiale. Un bombardement précis et brutal d’obus explosifs destiné au personnel et de projectiles à l’ypérite sur les tranchées de départ où sont massées les troupes de choc, avant même que se déclenche la préparation d’artillerie ennemie, remplira cet office.

De plus, l’ennemi ayant spéculé sur la surprise, il ne doit y avoir surprise à aucun échelon. On élargira la zone de couverture pour donner à nos soldats le temps de dominer la première impression de stupeur, pour voir venir, comme on dit. Des défenseurs résolus, postés dans cette zone, auront mission non seulement de résister en faisant le plus de mal possible à l’ennemi, mais encore de nous renseigner.

En Champagne, par exemple, la région des Monts que nous devons abandonner est un lieu d’observation des plus favorables. Munis de pigeons voyageurs, d’appareils de T. S. F. disposant de couleurs prêts au sacrifice de leur vie, les détachements de