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vallée cerdane. Seul un petit campanile trapu, dressé au chevet de l’église, signale de loin ce lieu de prière.

Quand on y pénètre par la grande porte, on est aussitôt frappé des inégalités de niveau à l’intérieur de cette bâtisse composite. C’est ce qui arrive dans tous les sanctuaires qui enclosent un lieu miraculeux, dont la piété des constructeurs a voulu respecter les dispositions naturelles. Le type classique de ce genre d’édifices est l’église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem. Ici, il y a au moins quatre niveaux différents. D’abord un vestibule exigu, puis des marches qui conduisent à la nef proprement dite. Devant la rusticité de ce petit temple, on songe tout de suite à une crèche de Bethléem, à une grange obscure, où l’on distingue, dans la pénombre, des amoncellements de gerbes, et où scintillent confusément les pailles d’or des épis. Tout au fond de cette bâtisse champêtre, rayonne comme une splendeur barbare qui trouble et qui attire. Entre les murailles complètement tapissées d’ex-votos, on s’avance vers ce paradoxal flamboiement de dorures. C’est un retable du plus fougueux style espagnol, du « churriguéresque » le plus épanoui et le plus triomphant. Il écrase complètement le maître-autel de ses superpositions de colonnes, de corniches, d’entablements et de frontons.

Dès que l’œil s’est un peu habitué à l’éclairage avare du chœur, on démêle, dans cette confusion, au milieu de ces bouillonnements et de ces boursouflements d’or, tout un peuple de statues à la fois maniérées et naïves, — et d’abord celles des saints, protecteurs de la contrée, saint Martin, saint Sébastien, saint Jean-Baptiste, — puis les figures allégoriques de la Foi et de l’Espérance, et enfin un tourbillon d’angelots, comme suspendus aux frises, ou assis sur le rebord des pilastres et des consoles, balançant dans le vide leurs petits pieds potelés et embouchant des trompettes, ou encore des séraphins qui brandissent des torches ou qui jouent du violoncelle. Au centre, dans une niche découpée à jour, qui surmonté le tabernacle, surgit la blancheur d’une statue de marbre. Elle ne détonne pas trop parmi tous ces ors. C’est une vierge moderne, due à un sculpteur cerdan qui eut, même à Paris, son heure de célébrité, Alexandre Oliva, de Saiilagouse. L’œuvre, un peu froide et d’une correction trop classique, a cependant de la grandeur et même une certaine grâce sévère, en particulier un heureux