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sens du paysage. Les montagnes éternelles réapparaissent sous les neiges étincelantes de leurs glaciers, l’espace se déploie à perte de vue, un air vivifiant dilate la poitrine.

Car ce lieu de repos est peut-être plus encore un lieu salubre, une terre de guérison. L’inscription gravée, à l’Ermitage, au-dessus de la fontaine virginale, ne ment pas : FONS SALUTIS MARIA. La madone rustique de Font-Romeù est véritablement une fontaine de santé. Près d’elle, dans cet air si pur et si léger, de vrais miracles s’accomplissent : les podagres se mettent à marcher, les rhumatisants ne sentent plus leurs articulations douloureuses, les phtisiques ouvrent leurs poumons cicatrisés aux odeurs résineuses de la forêt, les insomnieux retrouvent le sommeil…

Comment d’ailleurs en serait-il autrement, sur ces montagnes sans cesse balayées par les grands vents du ciel ? Presque continuellement le vent souffle, palpite, se lamente, se déchaîne, tel un grondement d’orgue dans les nues. Les herbes de la vallée ondulent, les champs d’orge et de seigle se gonflent, comme la houle marine au creux des golfes et dans les anfractuosités des promontoires. À l’infini, sous les escadrons de brouillards qui accouvent du fond de l’horizon, c’est le désert mouvant des grandes eaux. On se souvient que la Vierge de Font-Romeù n’est pas seulement la Dame de la Prairie, mais aussi l’Étoile de la mer.


À cette Dame du haut lieu, un oratoire fut de bonne heure construit à l’endroit même où le berger d’Odello avait découvert sa statue ensevelie. On remania cet oratoire, on le restaura et on l’agrandit pendant la première moitié de ce XVIIIe siècle, qui, pour toute la France, a été la grande époque de prospérité, celle qui recueillit les bienfaits du règne de Louis XIV.

La nouvelle chapelle recouvre la fontaine miraculeuse et le pan de rocher où l’image fut découverte, et ainsi l’eau salutaire, qui jaillit sous une arcature pratiquée dans l’épaisseur d’un des murs latéraux, traverse toute l’étendue du sanctuaire et semble sourdre des pieds de la Vierge. L’extérieur en est des plus simples Sans le modeste portail qui décore l’entrée principale, ce serait une maison de paysan, aux murs gris et rugueux et au toit d ‘ardoise, comme celles que l’on voit dans toute la