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qui rattachent l’architecture romane proprement dite à l’architecture chrétienne de l’Afrique du Nord. C’est là un beau rêve que la victoire permettra sans doute de réaliser. Ces églises renaissantes au lendemain de la tourmente, ce serait une des multiples manifestations de la grande résurrection française qui, dans l’ordre matériel, autant que dans l’ordre spirituel, va bouleverser et rénover tous les domaines de la vie nationale.


On remarquera la place prépondérante occupée par la Vierge dans toutes ces églises et ces chapelles délabrées. À Séville ils se plaisent à répéter que l’Andalousie est la « Terre de Marie Très-Sainte, la Tierra de Maria Santisima. » Que dire alors de la Catalogne ? Au XVIIe siècle, un dominicain catalan, le Père Camos, dénombrant les mille trente-trois madones que possédait son pays, tant du côté espagnol que du côté français, l’appelait le « Jardin de Marie. » Rien que dans le Roussillon, on en pourrait fournir une liste abondante et vraiment merveilleuse : Notre-Dame dels Correchs ou des Torrents, dont Mgr de Carsalade vient de faire rouvrir la chapelle, depuis longtemps abandonnée, dans la partie la plus ancienne de la cathédrale de Perpignan, — Notre-Dame de Consolation, à Collioure, — Notre-Dame del Coral, à Prats-de-Mollo, — Notre-Dame de la Victoire, à Thuir, — Notre-Dame del Présèbre ou de la Crèche, à Saint-Michel de Cuxa, — Notre-Dame du Paradis, à Cornella-del-Vercol, — et combien d’autres dont les noms sont tous plus poétiques ou plus sonores les uns que les autres[1] ! Mais le vrai pays des Nôtres-Dames, c’est assurément la petite Cerdagne, qui possède une madone vénérée, fêtée, et, si je puis dire, « pélerinée » dans chacun de ses villages ou presque. De la chambre haute où j’écris, et d’où je domine toute la vallée, j’aperçois les clochers de leurs sanctuaires : à droite, au milieu des pins de la forêt, l’ermitage de Font-Romeù, avec sa madone catalane en grands falbalas de brocart blanc ; en face, dans un repli de la montagne, comme dans la poche d’une verte tunique, les maisons d’Eyne, serrées autour de leur Notre-Dame, au penchant du col presque perpendiculaire qui conduit

  1. J’emprunte cette nomenclature à l’excellent ouvrage de l’actuel archiprêtre de Thuir, M. le chanoine Émile Roûs, Histoire de Notre-Dame de Font-Romeù, livre de conscience et de foi, écrit avec éloquence et minutie, et qui est un des plus parfaits échantillons de la littérature régionaliste catalane.