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nostalgique et évocatrice. Ainsi s’explique sans doute l’attraction que la Catalogne, comme l’Espagne et tous les pays fermés, restés fidèles à leurs vieilles mœurs, exercent sur l’étranger. Plus ils veulent ignorer les gens du dehors, plus ceux-ci sont enragés à les connaître et à les approcher. C’est le charme et la séduction de la Gitane qui repoussent et qui attirent tout ensemble.

Même parmi les archéologues et les historiens qui se sont occupés du Roussillon et de la Cerdagne, un bon nombre est venu du dehors. Pour être des Catalans d’adoption, leur patriotisme local n’en est pas moins fervent que celui des indigènes. L’actuel évêque de Perpignan, Mgr de Carsalade du Pont, en offrirait un bel exemple. Originaire de la Gascogne, cet aimable et éminent prélat, érudit et lettré, archéologue et artiste, a fait restaurer sur son pic sauvage la vieille abbaye seigneuriale de Saint-Martin du Canigou. Il a écrit sur ses prédécesseurs et sur l’histoire religieuse de son diocèse de pénétrantes monographies et il est enfin un des plus zélés conservateurs des antiquités de la province. Pareillement encore, M. Pierre Vidal, le savant bibliothécaire de Perpignan. Auteur de nombreuses études sur toutes les époques de l’histoire roussillonnaise, voyageur, historien et conteur exquis, il n’est, pour les purs Catalans, qu’un simple Gavatche, un métèque de l’autre côté des Corbières. C’est, en effet, un Languedocien, qui fut, au lycée de Carcassonne, le condisciple du maréchal Joffre.

Mais le trait commun de tous ces érudits, c’est le culte pieux du passé et des origines de la province. Croyants et libres penseurs se réunissent pour sauver de l’oubli les moindres parcelles de la tradition, les moindres reliques de l’art provincial. Même chose dans le peuple. Ici, il n’existe point de haines religieuses. Si l’on ne peut pas dire que la foi soit très vive ni très épurée chez tous ces paysans qui assistent aux offices ou qui suivent les processions, ils montrent un grand attachement pour leurs rites et leurs pratiques anciennes, parce que tout cela est catalan. Comme dans les pays dont l’existence fut longtemps menacée, en celui-ci aussi le patriotisme et la religion se confondent.


Une vie religieuse intense anima jadis cette région pyrénéenne. Encore une fois, dans ces montagnes, l’atmosphère est