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l’ère chrétienne, ç’a été d’abord l’invasion des Goths, puis celle, beaucoup plus meurtrière, des Arabes. Après cela, les comtes carolingiens, sous prétexte d’y rétablir l’ordre, s’y livrèrent à de sanglantes rivalités. Le pillage et la dévastation accompagnaient partout ces roitelets pyrénéens. Puis ce fut la longue compétition de la France et de l’Espagne dont les maisons régnantes s’acharnèrent pendant des siècles sur ce pauvre pays. La trace de ces luttes et de ces invasions y est encore visible. En aucune de nos provinces peut-être la race n’est plus mélangée, quoique le Cerdan offre un type moral et même physique vigoureusement caractérisé. Mais, sous la physionomie locale créée lentement par les siècles, on saisit tout de suite les diversités de sang et d’origine…

Au temps des invasions vandales, des réfugiés africains fidèles à la foi catholique vinrent chercher ici un asile, comme d’ailleurs sur toutes les côtes et dans toutes les îles de la Méditerranée. Ils y firent un long séjour, avec les reliques de leurs saints, les archives de leurs églises, les écrits de leurs docteurs et de leurs polémistes. C’est ainsi que le corps de saint Augustin fut transporté en Sardaigne par les chrétiens d’Hippone. D’autres avaient pris la route de Barcelone et de la région pyrénéenne. Beaucoup moururent en exil, et certainement ils y laissèrent une descendance. Ceux de leurs fils qui avaient conservé le culte de la terre des ancêtres n’y rentrèrent que cent ans plus tard, sous la domination byzantine, lorsque Justinien eut décidément chassé les usurpateurs barbares. Pieusement ils y rapportèrent les ossements de leurs morts et ils les ensevelirent à l’ombre des basiliques africaines reconstruites. Quelque temps avant la dernière invasion germanique, au printemps de 1914, à Madaure, dans les ruines d’une église récemment exhumée, j’avais la joie de déchiffrer les épitaphes de quelques-uns de ces morts ramenés d’outre-mer : « In exsilio, pro fide catholica defuncti. » Chez nous aussi, il faudra bientôt ramener les morts d’exil.

Sûrement la Cerdagne a gardé le souvenir de ces réfugiés africains. Non seulement ils y ont introduit quelques gouttes de sang maure ou numide, mais, sur les monuments les plus anciens, l’influence de leur passage est peut-être encore discernable.

A l’église d’Hix, la première capitale du comté cerdan, à