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paralysait : c’est pourquoi la défection de quelques princes suffit à établir en Europe la Réforme, et l’arbitraire des autres princes à fausser l’ordre social qu’ils prétendaient servir. L’expérience avait trop prouvé le risque de remettre le trésor universel à quelques personnes interposées. Puisqu’elles le pillaient grâce à leur prérogative de veiller sur lui, il serait plus en sûreté peut-être si sa sauvegarde appartenait à ceux à qui il appartient. De là les gouvernements créés par le suffrage des peuples. Ils ne font plus l’opinion, mais la représentent, et c’est assez pour changer la base même de l’ordre. A des sujets suffit l’obéissance ; des citoyens ont besoin de volonté. L’une se perpétue par le silence, l’autre s’institue par la discussion. Les catholiques belges, même sous l’ancien régime, avaient éprouvé combien le pouvoir devient facilement, de protecteur, tyrannique ; pour l’avenir des doctrines nécessaires à tous, ils ne voyaient pas d’asile plus inviolable que la conscience de tous. Sans doute, où chacun devient le juge de ce qui est bon à la société, la société elle-même risque de se dissoudre dans la dispersion des inconstances individuelles. Mais c’est le bienfait de ce péril qu’il sollicite les serviteurs de la vérité à la défendre dans plus d’intelligences, à rassembler la multitude elle-même autour des principes sauveurs. Et combien l’ordre général deviendrait-il plus solide s’il reposait non sur la volonté de quelques chefs, mais des peuples !… Les catholiques belges, conduits par la faillite des anciennes méthodes à cette épreuve, conclurent que leur effort devait être la conquête de l’opinion par la liberté.

Le plus sûr moyen de créer l’opinion est l’enseignement. Les catholiques belges ne connurent pas la tentation de se le réserver par un monopole, ou, sous l’apparence d’une liberté artificieuse, par les privilèges discrets mais efficaces dont le pouvoir est le dispensateur. Ils sentaient assez de foi dans leurs croyances pour ne rien craindre d’une lutte égale, et ils ont voulu une vraie liberté d’enseignement. Mais quand il s’agit de l’établir, ils se heurtèrent à l’obstacle, à l’idolâtrie de la Révolution française pour l’Etat. Que l’Etat fût le grand maître de l’enseignement) que, même où il consentait à en partager l’exercice, il dût s’en réserver la direction, qu’il lui appartint de fixer la matière et l’ordre de cet enseignement, comme de soumettre à ses examens les professeurs et les clercs, et de