Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’on ne comprend pas que ces effets aient survécu au régime, dont le 2 décembre nous a débarrassés[1]. »

En 1859, Libri écrivait à F. Buloz, et lui annonçait qu’il quittait Londres à cause de la santé de Mme Libri et de la sienne. « J’ai employé, disait-il encore, tout ce qui me restait d’yeux et de force, à préparer deux catalogues de vente : l’un de manuscrits (qui va paraître à la fin de la semaine), l’autre de livres imprimés, qui paraîtra dans un mois… Je compte travailler dans la retraite où nous irons, et dont le choix n’est pas encore fixé. »

À cette vente Mérimée consacra un article dans le Moniteur du 1er août. C’est encore lui qui présenta au Sénat, deux ans plus tard, la pétition de Mme Libri, « tendant à faire casser une instruction irrégulière, flétrir une expertise coupable, et annuler un jugement erroné. » Cette pétition était signée[2]Guizot, marquis d’Audiffret, Mérimée, Laboulaye, Victor Leclerc et Paulin Paris. Elle n’eut pas de succès. Mérimée prononça un discours très documenté et d’une logique précise, à la suite d’un rapport assez hostile du président Bonjean. Après Mérimée, M. Delangle prit la parole, et aussi le procureur général Dupin. Mais il semble que ces messieurs s’occupèrent plus de la défense des magistrats, attaqués par Mérimée (qui n’acceptait pas la procédure irrégulière du procès Libri) que de Libri lui-même.

Hélas ! depuis longtemps Libri fatiguait ses amis et ses juges. « Il a fait, reconnaît Mérimée, toutes les bêtises imaginables ; il a bombardé de ses lettres amis et ennemis et les a tous mis en fureur[3]. » Bref, le Sénat ne jugea pas utile de remettre la pétition de Mme Libri entre les mains du Garde des sceaux ; Mérimée fut encore une fois vaincu, et fort en colère ; car, en sortant de là, il écrivit : « Je ne saluerai plus le président Bonjean : He is no a genlteman. Cela est clair. Toutes ces robes noires sont comme les hannetons. Ils se tiennent tous, et qui en prend un, les a tous après soi[4]. »

Libri mourut dans la misère.

…En 1869, Philarète Chasles voyageait en Italie. Après

  1. Intermédiaire du 20 novembre 1893, XVIII, 575-576, citée par M. Chambon. Lettres inédites de P. Mérimée, p. XXXVIII.
  2. 16 décembre 1860.
  3. Id.
  4. Citée par M. Chambon, p. XXXVIII. Lettres inédites de P. Mérimée.