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payaient un impôt, qui ne fut aboli qu’en 1738. A la même époque seulement, fut permise l’entrée, par le port du Havre, des épiceries et drogueries qui jusqu’alors ne pouvaient être introduites que par le port de Rouen. Les négociants du Havre voyaient passer ces marchandises à eux destinées, qu’il leur fallait aller décharger officiellement à Rouen, pour les rapporter ensuite au Havre. Ce privilège inconcevable, Rouen le défendit mordicus.

Avec l’étranger les transactions étaient naturellement soumises à un luxe d’entraves, dont chaque nation se plaignait d’être victime de la part de ses voisines, mais que nulle ne se privait chez elle d’infliger aux autres. On avait, au XVIIe siècle, des moyens énergiques pour équilibrer l’importation avec l’exportation et contraindre la fameuse « balance du commerce » à n’être pas défavorable. Les consuls de Marseille s’étant plaints, en 1624, que « certains marchands étrangers, appelés Arméniens, prétendaient transporter hors le royaume des deniers par eux reçus pour le prix de grande quantité de balles de soie qu’ils avaient vendues, un arrêt du Parlement d’Aix leur interdit la sortie de l’argent et leur permet seulement d’acheter, « avec ces deniers, telles marchandises françaises qu’ils aviseraient. » Pas n’était besoin en général de pareilles coercitions, l’intérêt naturel des commerçants les poussant à se munir d’un fret de retour. Dès le XIIIe siècle, aux foires de Champagne, les étrangers, après avoir écoulé le contenu de leurs charrettes, les chargeaient de produits locaux.

Deux courants inverses poussaient partout les acheteurs à susciter les concurrences des marchands du dehors, et les vendeurs à se réserver par tous les moyens la clientèle locale ; à ces tendances hostiles la législation donnait tour à tour satisfaction. A la première répondaient : la suspension des saisies et procédures les jours de foires ; l’obligation imposée aux paysans de « fréquenter les marchés » ; le privilège des juifs de séjourner trois jours par mois, — non compris le jour de l’arrivée et celui du départ, — dans les localités où il leur est défendu de tenir boutique ouverte ; les accords passés par les villes du Midi avec le « roi des merciers » de la province, qui s’engage à venir « embellir la foire, avec une nombreuse société de merciers et d’abondantes marchandises, moyennant le tribut de félicitations