Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/949

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Entre les divers types de ce canon étudiés chez nous, je ne veux, encore un coup, ni ne puis faire un choix. Il nous sera permis cependant de déplorer un peu quêtant de semaines et de mois… d’années quelquefois, se passent en études, en transmissions de rapports, en expériences, à la poursuite de cette chimère : la perfection. A la guerre, l’engin le plus parfait, c’est celui qui existe, à l’encontre de celui qui existera un jour… Mais voilà que je m’oublie à employer, en faveur des canons d’infanterie, les plus anciens, le même argument qu’on leur objecta naguère lorsqu’il s’agissait de substituer au vieux 58 quelque chose de mieux. J’en demande pardon…

Il est bien difficile de sortir de toutes les contradictions que la guerre traîne dans les plis de sa robe sanglante. Il est bien difficile de savoir si le mieux est ou n’est pas l’ennemi du bien, et de savoir si aujourd’hui doit ou non céder le pas à demain.

Et pourtant ces problèmes sont importants : une décimale de plus où de moins dans le chiffre qui exprime l’efficacité d’un engin peut décider du sort des batailles, de même qu’une décimale changée, en physique, a fait faire parfois des découvertes, des progrès capitaux.

C’est ainsi que l’incertitude, l’équilibre si difficile à garder entra le possible et le réel, font que la tactique, la technique de guerre qu’on pourrait croire les plus positives des sciences, finissent par devenir de petites choses presque aussi conjecturales, je ne dirai pas que l’histoire, qui l’est moins, mais que la métaphysique.

Mais ce que la France est en droit d’exiger dans ce domaine, ce qui a manqué un peu parmi les rouages, — admettons qu’il y a de cela très longtemps, — c’est la volonté, c’est parfois la bonne volonté.

Voilà qu’à l’horizon, dans la constellation des étoiles américaines où notre étendard se profile comme un arc-en-ciel, la Victoire altière s’avance : arrachons du chemin toutes les pierres qui pourraient encore retarder d’une heure sa marche désormais rectiligne.


CHARLES NORDMANN.