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tendance à respecter et servir le second pour soigner le premier que nous lui avons innocemment identifié ?

N’est-il pas naturel que lorsqu’à l’un de nous chargé, de par ses fonctions, d’une certaine organisation, on vient apporter une chose à laquelle il n’avait pas pensé, il se rebiffe en considérant que cela constitue un blâme, un reproche indirect à son égard, et que la pensée de n’avoir pas tout prévu et tout préparé à la perfection lui soit insupportable ? Ne mérite-t-il pas toutes les légitimes défenses de l’orgueil offensé, celui qui ose apporter une pierre nouvelle à l’édifice qui a priori devait être parfait ? L’orgueil n’est-il pas un des plus beaux sentiments, un des plus nobles moteurs des actions humaines ?

Tout cela fait qu’il faut apporter une infinie indulgence aux appréciations qu’on fait dans ces discussions techniques. On y pourrait joindre même un bienveillant et sceptique sourire si ce qui est enjeu n’était pas parfois le sang précieux de nos soldats.

Mais, j’ai hâte de revenir à mon sujet, que cette digression côtoie d’ailleurs étroitement, et je dois indiquer maintenant, — mieux vaut tard que jamais, — comment s’est posée d’abord la question du canon d’infanterie.

Elle ne date pas d’hier. Il y a trois siècles déjà que le canon de bataillon au service de l’infanterie a été inventé par Gustave-Adolphe. Le maréchal de Saxe, entre beaucoup d’autres grands capitaines, en lit un remarquable usage, et Napoléon, à diverses reprises, regretta amèrement la disparition de cet engin. Mais les armes s’étaient spécialisées de plus en plus et partant séparées ; elles tendaient à servir chacune indépendamment, à s’ignorer trop peut-être, car la fable « des membres et l’estomac » ne faisait pas partie des programmes des Académies militaires.

Pourtant, dès les environs de 1885, d’après le général Malleterre, on avait repris l’étude d’un canon léger, mobile, servi par l’infanterie. Et il n’y a pas bien longtemps, si mes souvenirs sont exacts, que, dans cette Revue, le regretté général Langlois, à la suite des constatations faites dans la guerre du Transvaal préconisait le petit canon pompom à tir rapide comme arme d’accompagnement de l’infanterie.

C’est alors que la naissance du 75 et ses remarquables qualités balayèrent tous ces engins considérés comme secondaires et embarrassants. Le 75 est une merveille et ici même, à diverses reprises, on a fait l’éloge sans réverve de ses précieux services. Mais il n’est point, pas